Sunday, May 28, 2006

Citation du 27 mai 2006

Ce n'est pas la ciguë, c'est le syllogisme qui tue Socrate.
Paul Valéry
Qui était Socrate ? De tous les grands fondateurs de civilisation, il est sans doute celui qui nous est le moins connu. Seuls les écrits de ses contemporains (Platon, bien sûr ; Xénophon, également, mais n’oublions pas Aristophane) nous le font connaître. Si l’on écarte les descriptions hagiographiques ou malveillantes, on peut penser que ce moraliste n’a rien écrit sans doute parce que le dialogue vivant, la relation d’homme à homme comptait seule pour lui.
On comprend dès lors la remarque de Valéry : le syllogisme, raisonnement logique, tire sa validité de sa forme et non de son contenu. La pensée y est réduite à des intersections entre des ensembles dont le contenu est indifférent
- « [Tous] les hommes » : ensemble A
- « [Sont] mortels » : ensemble B
- « Socrate » : élément C
- Si tous les A sont B ; si C est inclus dans A, alors il est inclus aussi dans B.
Et voilà Socrate mortel ; voilà aussi ce qui détruit la pensée de Socrate : la limiter à un raisonnement toujours valable, quelque soit l’interlocuteur et quelque soit son contenu.
Oui, mais, supposons alors qu’on considère que la vérité n’est pas universelle. On dirait : « Ce que je dis est vrai - sans quoi je ne le dirais pas - mais ce que je dis à Paul n’est pas ce que je dis à Pierre. La même vérité doit être adaptée à chacun. » N’est-ce pas là le discours du séducteur, du rhéteur, du sophiste, qui cherche à vous convaincre plutôt qu’à vous enseigner ?
Socrate prétendait faire le même travail que sa mère qui était accoucheuse : alors que la sage-femme accouche les corps, le sage accouche les âmes, en les menant à comprendre pleinement ce qu’elles contiennent comme pensée. Telle la tâche du philosophe : non pas penser à la place de l’autre, mais lui dire : « Voilà ce qu’implique ta pensée, voilà les risques que tu dois prendre pour l’assumer pleinement ».
Penser est une action ; et dans le domaine de l’action ce n’est pas la vérité qui prime, c’est le sens.

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