Sunday, May 18, 2008

Citation du 18 mai 2008

L'association de ces deux mots, « organe » et « pensée », pose un problème philosophique fondamental. La pensée peut exister sans cerveau dans le quatrième monde, celui de la planète des signes, de l'écriture ou d'Internet. Quand un individu n'est pas là pour penser, sa pensée existe quand même, en dehors de lui.

Boris Cyrulnik - L'Ensorcellement du monde

A votre avis, la question « le cerveau pense-t-il ? », est-elle un sujet de bac ou une question d’oral pour l’agrég de philo ?

Laissons cela de côté, et tenons l’essentiel. Pour Cyrulnik la pensée sans cerveau existe, elle est dans les signes. Disons, pour faire simple : la pensée de Descartes existe même depuis que Descartes n’est plus là pour penser, puisque nous avons ses livres.

Voilà une bien grosse banalité… Pourtant on y échappe en comprenant que Cyrulnik affirme que la pensée n’a pas besoin du cerveau du lecteur, et donc que dans un livre fermé il y a de la pensée.

Voilà la question : la pensée de Descartes existe-t-elle si je ne suis pas là pour la penser ? Suis-je un réceptacle voire - même un médium ? - ou bien au contraire ne serais-je pas plutôt celui qui crée – ou qui recrée – cette pensée ?

Certains diront : vous êtes un récepteur, qui doit pour fonctionner posséder les bons organes. Si vous n’avez aucune connaissance du contexte de l’œuvre, alors cette pensée va vous échapper. Mais si vous avez les bons instruments, alors vous la recevrez 5/5. Ça veut dire que vous ne produisez pas cette pensée, mais seulement qu’il y a des conditions pour la recevoir. Elle existe donc en dehors de vous, même dans le livre fermé posé sur votre table

Voilà qui est diablement séduisant : alors la pensée vraie de Descartes nous est accessible ? Nous ne pourrions qu’être tous d’accord sur son interprétation, non seulement entre nous, mais encore avec les spécialistes des siècles passés ? Et même, qui donc aurait la prétention de commenter Descartes, puisqu’à science égale nous comprenons tous la même chose ?

En réalité, je crois que la lecture, plutôt qu’un dévoilement, est interprétation : comme disait Foucault il faut lire non seulement entre les lignes, mais aussi entre les mots. Le monde des signes dont parle Cyrulnik n’enregistre qu’une partie de la pensée, et cette partie ne fait qu’inciter notre « cerveau » à recherche le reste.

Pas de pensée sans cerveau : oui ; mais aussi : pas de pensée sans un engagement personnel de sa propre pensée dans un processus de réflexion et de recherche.

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