Ah, c'est une chose plus enivrante que le vin d'être une belle jeune femme !
Paul Claudel – L'otage (1911)
Portrait de Paul Claudel inspiré par les anges, 1938 par Jean Bernard
En 1911 Paul Claudel a 43 ans : ce n’est pas encore un vieux-tout-moche, mais on peut se douter qu’il n’est plus de la première fraicheur.
Serait-il sous l’emprise du démon de midi qui lui ferait croire que l’ivresse qu’il ressent en présence d’une belle jeune femme est en elle avant d’être en lui ? Tout de même pas…
Posons donc la question : Si Claudel est l’homme capable de savoir ce que ça fait d’être une belle jeune femme – d’où lui vient cette intuition ?
J’ai cru avoir réponse avec ce tableau de Jean Bernard qui représente Claudel écrivant, inspiré par les anges : alors ce seraient les anges qui révèleraient à Claudel ce que ressent une belle jeune femme ? Toutefois, on reste dubitatif : les anges n’ont pas l’habitude de colporter ce qui se passe chez les autres ; et puis fréquentent-ils les belles jeunes femmes ?
Je sens que vous trépignez d’impatience de savoir ce qu’il en est…Allez, je vais vous le dire : moi qui ai été non pas une belle jeune femme, mais un beau jeune homme (du moins le crus-je), j’ai connu cette ivresse de l’auto-contentement narcissique devant son miroir. Quelque chose comme un ravissement de voir que cet homme si beau et si séduisant, – cet homme que dans l’instant je ne reconnaissais pas et que j’aurais voulu être – oui, cet homme, c’était moi-même. C’est se voir comme un Dieu du Stade du miroir….
Déduisons : ce qui m'est arrivés est sans doute arrivé aussi à Claudel dans sa belle jeunesse, et je suppose qu’il n’a eu aucune difficulté pour imaginer que ça arrivait également aux belles jeunes femmes – et que les vieux-tout-moches captent ça un peu plus que les autres, ça n’aurait rien d’étonnant.
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