Saturday, February 12, 2011

Citation du 13 février 2011



La réciprocité est un mystère.

Miss.Tic (Exposition à la Galerie W)

Si l’on en croit l’affiche lacérée sur laquelle est réalisé ce pochoir, ce message est dédié aux amoureux : la réciprocité amoureuse est un mystère.

Miss.Tic est alors un peu ce que Diotime était pour Socrate dans la Banquet de Platon : une grande prêtresse qui révèle les mystères de l’amour, que même le plus grand philosophe ne saurait découvrir par la raison.

Dans l’amour, dans la caresse donnée et reçue, dans les regards échangés, il y a réciprocité – mais elle est un mystère.

Comprenons :

- dans l’amour fusionnel, la réciprocité n’a pas de sens puisqu’on n’échange rien avec soi-même ; la jouissance est comme un rêve de Narcisse.

- Dans la sensualité amoureuse, par contre, la jouissance n’est pas réciproque, chacun est guidé par sa propre jouissance – et tant mieux si ça fait jouir l’autre aussi.

On l’avait déjà remarqué avec Benveniste (Texte en annexe) : seul le dialogue donne une idée de ce que peut-être la véritable réciprocité, qui est à la fois contraste (deux et non un) et réversibilité (le « je » devient le « tu »).

Mais bon : c’est bien compliqué, et ça ne répond pas à la situation : parler, dialoguer ? Les amoureux ont mieux à faire de leur langue…

Maintenant, regardez mieux le pochoir de Miss.Tic : voyez-vous ce que je vois ? Deux poitrines qui jaillissent d’un même bassin ? Des amoureux qui sont comme des siamois, mais de siamois de deux sexes différents…

Echange dans le haut, fusion dans le bas : alors là trop forte la Miss !

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« La conscience de soi n'est possible que si elle s'éprouve par contraste. Je n'emploie je qu'en m'adressant à quelqu'un, qui sera dans mon allocution un tu. C'est cette condition de dialogue qui est constitutive de la personne, car elle implique en réciprocité que je deviens tu dans l'allocution de celui qui à son tour se désigne par je. C'est là que nous voyons un principe dont les conséquences sont à dérouler dans toutes les directions. Le langage n'est possible que parce que chaque locuteur se pose comme sujet, en renvoyant à lui-même comme je dans son discours. De ce fait, je pose une autre personne, celle qui, tout extérieure qu'elle est à « moi », devient mon écho auquel je dis tu et qui me dit tu. La polarité des personnes, telle est dans le langage la condition fondamentale, dont le procès de communication, dont nous sommes parti, n'est qu'une conséquence toute pragmatique. Polarité d'ailleurs très singulière en soi, et qui présente un type d'opposition dont on ne rencontre nulle part, hors du langage, l'équivalent. Cette polarité ne signifie pas égalité ni symétrie : « ego » a toujours une position de transcendance à l'égard de tu ; néanmoins, aucun des deux termes ne se conçoit sans l'autre ; ils sont complémentaires, mais selon une opposition "intérieur/extérieur », et en même temps ils sont réversibles. Qu'on cherche à cela un parallèle; on n'en trouvera pas. Unique est la condition de l'homme dans le langage. » BENVENISTE - Problèmes de linguistique générale (p. 260)

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