Saturday, February 05, 2011

Citation du 5 février 2011

Il faut bien distinguer l'arbitraire de la tyrannie. La tyrannie peut s'exercer au moyen de la loi même, et alors elle n'est point arbitraire ; l'arbitraire peut s'exercer dans l'intérêt des gouvernés, et alors il n'est pas tyrannique.
La tyrannie se sert ordinairement de l'arbitraire, mais au besoin elle sait s'en passer.

Alexis de Tocqueville – De la Démocratie en Amérique – Partie II, Ch. 7 (1835)


Commentaire 1

l'arbitraire peut s'exercer dans l'intérêt des gouvernés, et alors il n'est pas tyrannique ?

Peut-on trouver des cas où cette formule de Tocqueville trouve une application ?

Déjà, il faudrait s’entendre sur le terme d’arbitraire : comme Tocqueville l’oppose à la loi, on admettra qu’il correspond à un acte décidé unilatéralement par un sujet volontaire, et non déterminé de façon collective (comme la loi).

Je laisserai pour aujourd’hui de côté la question de savoir si un tyran peut faire le bonheur de ses sujets en utilisant l’arbitraire de son bon vouloir. Par contre on peut se demander si c’est un effet du contenu des décisions à prendre qui les détermine à l’être de façon arbitraire ?

- Prenons l’exemple de l’euthanasie ; à supposer qu’elle soit légitime, faut-il légiférer pour l’autoriser, ou bien faut-il la laisser à l’appréciation d’un membre de la famille ? Est-elle susceptible d’entrer dans une catégorie générale (gouvernée par une certaine idée de la dignité humaine), ou bien est-elle un mot qui sert à désigner des actes tous différents les uns des autres, une collection de cas impossibles à ranger sous l’unité de la loi ?

Bref : si tel était le cas, alors le fait d’autoriser ou de refuser l’euthanasie relèverait de l’arbitraire du juge, qui trancherait au cas par cas. Et d’ailleurs c’est ce qui se passe aujourd’hui, puisque la loi qui réprime l’homicide n’est pas forcément appliquée par les tribunaux dans les cas pourtant avérés d’euthanasie.

On considère souvent que cette attitude des juges relève du « pragmatisme », et qu’on a plus à perdre qu’à gagner à le refuser pour édicter une loi dans sa rigidité.

Mais cette considération ne prend en compte qu’un aspect du problème : car ce qui est mis en jeu, c’est bien la nature du fait – l’euthanasie – à propos duquel va falloir dire s’il peut être classé dans une généralité ou s’il relève d’une évaluation toujours originale et individuelle.

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