Monday, February 28, 2011

Citation du 1er mars 2011

Qui presse trop la mamelle pour en tirer du lait, en l'échauffant et en la tourmentant, tire du beurre; qui se mouche trop fortement fait venir le sang; qui presse trop les hommes excite des révoltes et des séditions. C'est la règle que donne Salomon.

Bossuet

A défaut de traire les vaches, Bossuet aurait pu demander à une vachère comment on fait du beurre : ça lui aurait évité d’écrire une bêtise.

Mais l’idée est suffisamment éclairée par les autres exemples : à trop exiger des hommes qu’ils soient soumis on s’expose à des révoltes et des séditions. C’est la leçon que chacun tire en ce moment des révoltes en pays arabes soumis à des dictatures. Reste que, même en faisant appel à la théorie des catastrophes, on n’y comprend pas grand-chose.

C’est qu’on fonctionne avec des préjugés qui nous viennent de loin, telle l’idée qu’il y a des peuples « faits pour la servilité », des peuples qui se complaisent dans la tyrannie – en tout cas qui la subissent sans s’en plaindre.

C’est d’ailleurs Rousseau qui exprime le mieux la chose : « Tout homme né dans l’esclavage naît pour l’esclavage, rien n’est plus certain. Les esclaves perdent tout dans leurs fers, jusqu’au désir d’en sortir. » (Contrat social – I, 2) : pour Rousseau déjà, l’homme est le produit de l’histoire, et s'il paraît parfois être esclave par nature, c’est simplement qu’il est né de parents esclaves. C’est à une véritable transformation de la nature humaine que l’esclavage procède.

Oui mais voilà : des peuples qui ont subi le même tyran durant plus d’une génération, tout à coup descendent dans la rue en criant : « Ça suffit ! ». Cherchez l’erreur.

C’est que la société aussi se transforme et pas seulement par la volonté des maîtres. L’économie en se développant produit des hommes nouveaux, avides de consommation et de jouissance et ça, ça va très mal avec la servitude.

« … la bourgeoisie n'a pas seulement forgé les armes qui la mettront à mort; elle a produit aussi les hommes qui manieront ces armes, les ouvriers modernes, les prolétaires. » écrivent Marx et Engels en 1847 (1).

--> Remplacez « hommes » par « force économique » et « ouvriers et prolétaires » par « pétrole » : vous verrez que ça ne marche pas si mal que ça.

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(1) Manifeste du parti communiste, voir ici

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