Tuesday, July 08, 2014

Citation du 9 juillet 2014



La caresse est au frisson ce que le crépuscule est à l’éclair.
Violette Leduc – La bâtarde (p.92)
Aujourd’hui, sport de haut niveau : l’interprétation de l’analogie.

Ce qu’on compare dans l’analogie, ce ne sont pas des termes (il s’agirait alors de métaphores), mais des rapports. On ne nous dit pas : la caresse est comme le crépuscule, et le frisson est comme l’éclair. On nous dit : ce que la caresse est frisson (1er rapport), le crépuscule l’est à l’éclair (2ème rapport).
La tâche proposée consiste à comprendre le premier rapport à partir du second (supposé connu)
o-o-o
Qu’est-ce que le crépuscule ? La douceur d’un paysage dont les couleurs deviennent pastelles en perdant graduellement leur intensité lumineuse.
Qu’est-ce qu’un éclair dans le crépuscule ? Un sursaut lumineux qui illumine et surprend. A la différence de l’éclair nocturne, celui qui surgit dans le crépuscule n’aveugle pas. Mais en inversant d’un coup ce lent déclin de la lumière, l’éclair par son illumination subite nous met dans cet état de stupeur que Kant attribuait au sublime.
On l’aura compris : le soin mis à analyser poétiquement ce rapport n’a d’autre but que d’éclairer le passage de la caresse au frisson.
La caresse ne conduit pas au frisson, du moins pas consciemment. Mais elle le suscite sans qu’on s’y attende ; le frisson surgit dans la caresse comme l’éclair surgit dans le crépuscule : comme une rupture, un renversement, un saisissement là où une sensation de douceur sensuelle s’épanouissait.
Alors, la question est : le frisson en question, ne serait-il pas orgasmique par hasard ? Après tout l’orgasme est parfois désigné comme « le grand frisson ». C’est possible, mais je n’y crois pas, parce que l’orgasme survient – sauf accident – au terme de la « montée » orgasmique. Il ne surprend pas, il est plutôt la conclusion qu’on attend, en tout cas il est l’issue à laquelle on s’est ouvert.
Je penserais plutôt que cet éclair surgit quand la caresse rencontre inopinément une zone érogène qu’elle excite en passant – qu’elle frôle, dans son glissement, la pointe du sein ou bien qu’elle effleure le creux de l’aine …
Mais je m’arrête là : à trop en dire on détruirait la puissance évocatrice de cette image – et puis je ne suis pas là pour révéler les sensibilités secrètes de mon corps…
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(1) Toute région cutanéo-muqueuse est érogène nous disent les livres des psys.

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