Saturday, December 12, 2009

Citation du 13 décembre 2009


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La pudeur n'est qu'un artifice qui confère plus de valeur à l'abandon.
Henri de Régnier – Lui ou les Femmes et l'Amour
Qui était Henri de Régnier ? Un poète si j’en crois Wikipédia et c’est l’excuse qu’on peut lui trouver pour avoir écrit cette phrase… En tout cas je peux vous dire qu’elle ne plaît gère au philosophe, sauf s’il fréquente assidûment Kierkegaard (1).
Qu’est-ce donc que la pudeur ? Certain n’y voient donc qu’une résistance opposée au regard ou au toucher par autrui de son propre corps (2), une forme de refus considéré parfois comme un simple moyen de renforcer la jouissance du conquérant qui monte à l’assaut de la forteresse. C’est dans ce contexte que se situe notre citation : de combien de viols cette conception de la pudeur est-elle responsable ?
Lisez plutôt Merleau-Ponty, dans ce texte un peu technique mais si clair en même temps (voir ici) : la pudeur est le refus de devenir un simple objet pour l’autre, elle est une volonté de soustraire son corps au regard de l’autre afin de ne pas devenir un objet (3). La pudeur c’est donc la volonté de rester une conscience en présence de la conscience de l’autre.
- Prenez par exemple une confession impudique : La vie sexuelle de Catherine M. l’ouvrage scandaleux de Catherine Millet. Quand j’ai lu ça je me suis d’abord demandé pourquoi publier un pareil ouvrage : masochisme ? Besoin de payer ses impôts ? Désir d’acquérir la célébrité à bon compte ?
En fait l’essentiel n’est pas là. Catherine Millet, en décrivant ces scènes d’orgies, se place toujours au point de vue du spectateur – ou plutôt du narrateur. Certes, c’est son corps qui gît là, au milieu de tous ces hommes. Mais en même temps, elle est celle qui décrit le spectacle depuis un point de vue en surplomb, un point de vue qui englobe ceux pour les quels son corps est un simple objet de jouissance. Par là elle redevient un sujet, une conscience. A travers son écriture, elle reste libre et dominante, et du coup, c’est elle qui possède tous ces hommes qui la possèdent.
Bref : si vous voulez rester une conscience libre face à autrui, vous pouvez faire comme Catherine Millet ; mais avouez que la pudeur, c’est tout de même plus simple.
(1) La nature féminine est un abandon sous forme de résistance. Kierkegaard – Le journal du séducteur. (Voir Post 13-12-08). Et encore sommes-nous ici dans les méandres de la séduction.
(2) Nous laisserons de côté la pudeur morale, étant entendu qu’elle n’est probablement pas de nature très différence de celle qui affecte le corps.
(3) On croit que la femme seule est pudique : c’est une erreur. Si la pudeur est le refus d’être objet pour autrui, il n’y a aucune raison pour que l’homme ne soit pas lui aussi pudique.
Essayez donc de mettre la main aux fesses d’un homme pour voir. A moins d’être Miss France, vous risquez un sérieux retour de bâton.

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