Le bien et le mal n'existent pas. Le bien
et le mal sont les deux faces inversées d'un même principe. Au fond, ce n'est
que des mots. On s'en sert pour qualifier les forces qui façonnent le monde.
Elles ne sont pas antagonistes mais complémentaires. La seule différence est
que ce qu'on appelle le mal est plus avantageux que le bien, ou mieux rémunéré.
Jean
Dutourd – Journal intime d'un mort
Houlà ! Ça
confusionne pas mal ici ! Car, le Bien et le Mal, ou bien ils existent, ou
bien ils n’existent pas ; et s’ils n’existent pas ils ne peuvent en tout
cas pas être complémentaires. Et
encore moins être des forces qui façonnent le monde.
En plus : si le mal est le plus avantageux, pourquoi n’est-il pas alors défini
comme étant le bien ?
On peut pardonner à Jean Dutourd la
confusion de sa pensée en disant qu’il ne s’agit après tout que d’un journal.
On peut admettre en effet que dans l’extrait d’un Journal intime, il puisse y avoir des trous, des sous-entendus, et
qu’il suffit de restituer tout ça pour que ça marche. Essayons.
1 – On supposera donc que ce qui n’existe
pas, c’est le Bien et le Mal absolus, métaphysiques, avec des qualités opposées
qui en font de l’un un Etre et de l’autre un Non-Etre. Le Bien et le Mal dont
parle Dutourd existent bien, non pas certes l’un par rapport à l’autre, mais
l’un et l’autre par rapport à un
jugement extérieur.
2 – Ce jugement porte sur leur caractère
avantageux. Le cynisme qui consiste à dire que le Bien – comme le Juste (cf. Platon) –
c’est ce qui nous est avantageux, est ici évité par une simple inversion : c’est ce qu'on appelle le Mal qui est plus avantageux que le Bien. On veut dire
alors que le Bien est ce qui couronne l’effort et la constance dans l’effort. Ce jugement est un jugement moral, dans le genre de l’aphorisme de
Kierkegaard : Ce n'est pas le chemin qui est difficile, c'est le
difficile qui est le chemin. (Cité le 8 septembre 2006).
3 – Toutefois, la subjectivité ne suffit pas
totalement à établir le Mal et le Bien. Si le Mal est
l’« avantageux » alors il n’est pas une illusion, car il implique des
forces efficaces, agissant dans le monde. Le Mal et le Bien, constituent les forces qui façonnent le monde.
4 – Et donc il est néfaste de vouloir chasser le
Mal : puisque le Bien et le Mal sont des forces
indispensables du monde réel, vouloir déraciner le Mal, c’est aussi vouloir
détruire le monde.
… Un peu comme avec cette fable africaine (que je
cite de mémoire) : il y avait un arbre qui donnait deux
fruits d’apparence identique, mais différents en nature : l’un était
succulent et bon pour la santé ;
l’autre était un poison violent. Un homme cueillit un de ces fruits, et malgré
le danger il y mordit. Il fut rassasié, car il était tombé sur le bon fruit.
Le lendemain l’arbre était mort.
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