Monday, November 26, 2007

Citation du 27 novembre 2007

Oui c'est un mal de mourir, car si ce n'eût pas été un malheur, les dieux seraient morts eux-mêmes...

Sappho - Poésie et fragments

- Que savons-nous des Dieux ? Sont-ils réellement immortels ?

- Si les Dieux sont immortels, est-ce un bien pour eux ? Serait-ce un bien pour nous, qui ne sommes pas des Dieux d’être immortels si nous le pouvions ?

- Ce qui est un malheur pour les Dieux est-il aussi un malheur pour nous les hommes ?

L’évidence de l’affirmation de Sappho tourne vite à la confusion dès que nous essayons de répondre à ces questions. Sans revenir sur la question de la mort dont nous avons récemment souligné l’énigme, je crois que c’est l’argument lui-même qui mérite un instant de réflexion.

Car Sappho suppose admis que le bien - et le mal - est universel : ce qui est bon, est bon, que ce soit pour l’homme ou pour les Dieux. Nous jouissons des mêmes biens que les Dieux, parce qu’entre eux et nous il n’y a qu’une différence de degré. Par exemple, nous sommes mortels, parce que notre vie est limitée dans le temps ; les Immortels n’ont simplement pas de limite à la durée de leur vie.

Laissons de côté la question de la différence d’essence qu’implique l’immortalité comparée à la mortalité. Mais ce qui nous importe, c’est que les dieux soient définis à parti de nous mêmes : ce qui est bon pour nous doit aussi être bon pour les dieux. Ce que nous désirons, c’est aux Dieux qu’il appartient de le posséder. Première erreur (ou si vous préférez : argument non concluant).

A partir de là, qu’est-ce qui nous dit que ce bien, que nous désirons en soit un ? Après tout, en dehors de nous, il n’y a pas que les dieux ; il y a l’espèce aussi. Le bien de l’espèce n’est peut-être pas celui de l’individu.

L’espèce exige la mort des individus. Ou, si vous préférez, elle ne pourrait subsister sans la disparitions des anciennes générations, faisant ainsi place aux nouvelles. Voyez l’humanité : le mal que nous avons à nourrir les quelques milliards d’hommes vivant en ce moment sur la planète. Imaginez que les hommes soient immortels : combien de milliards serions nous alors ? Et en plus, on ne peut se contenter de cumuler les individus se succédant au cours du temps : n’oublions pas qu’ils auraient continué à se reproduire, démultipliant ainsi le nombre des naissances. Il y aurait des petits cro-magnons qui naîtraient aujourd’hui encore, et comment nourrir tout ce monde ?

Ajoutez qu’on aurait aussi conservé les plus archaïques d’entre nous. L’homme de la Chapelle aux saints continuerait de faire des petits ; avec nos femmes ???

Après tout, si ça leur dit…

3 comments:

Djabx said...

Bien que Sappho ne l'aie pas connu, pour les Chrétiens, Dieu aurai envoyé sont fils unique mourir sur terre pour "nous laver de nos pêcher". Donc la mort pour les chrétiens n'est peut-être pas un malheur.

Enfin, vous finissez votre analyse en imaginant ce qui arriverai si les hommes étaient de tous temps immortel.
Je pense pour ma part qu'ils n'auraient pas eu le besoin de se reproduire. Donc nous ne serions surement pas aussi nombreux que ça.
De plus, je pense que les hommes immortels auraient eu encore moins le besoin de croire, d'imaginer un au-delà ou un quelconque monde meilleurs. Donc ils ne croiraient pas en Dieu et auraient ainsi bien moins l'occasion de se détruire les uns les autres.
De plus, de part leur durée de vie, leur égoïsme ne serai pas au détriment de leur environnement. Ils seraient donc surement plus écolo que nous.
De là à dire que ce serai un monde parfait et de paix, il y a un pas que je ne franchirais pas: les Dieux immortel grecs se faisaient la guerre (pour passer le temps?) les uns les autres, et les elfes immortels de Tolkiens se livrent aussi à de grandes guerres (mais contre les force du mal cette fois).

Jean-Pierre Hamel said...

Ils seraient donc sûrement plus écolo que nous.

Voilà l’idée intéressante : si nous devions vivre indéfiniment dans le même lieu, nous serions attentifs à le garder en bon état, puisque nous serions les premières victimes de notre négligence.
Nous autres mortels, nous passons sur terre un peu comme Louis XV, en disant : « Après moi le déluge ! ». Qu’après moi ce soient mes enfants et les enfants de mes enfants qui subissent mes excès, me laisse à peu près indifférent.
Bon. Ça veut dire qu’une éthique un peu responsable soulignera que nous sommes responsables aussi de l’avenir, contrairement à ce que la morale classique enseignait.
Référence : Hans Jonas – Le principe responsabilité Ed. Champs-Flammarion

Djabx said...

On pourrai aussi penser que grâce à leur immortalité, ils ont le temps de "prendre le temps".
Ils seraient alors surement plus à même de réfléchir le temps qu'il faut avant de faire quelque chose; de mesurer pleinement les tenants et aboutissants de leurs actions.
Ainsi, ils seraient plus responsable, et vraisemblablement, plus écolo.