L'homme est infiniment grand par rapport à l'infiniment petit et infiniment petit par rapport à l'infiniment grand ; ce qui le réduit presque à zéro.
Vladimir Jankélévitch
On suppose en lisant cette citation – que comme vous je découvre privée de son contexte – que Jankélévitch commente ici le passage des Pensées où Pascal parle des deux infinis (1).
Ce n’est pourtant pas le commentaire de ce passage si connu qui va me retenir, mais plutôt ce « presque zéro » que Jankélévitch, ce penseur de « presque rien », utilise pour qualifier l’homme.
Alors que pour Pascal, le zéro qui nous caractérise est celui de l’éloignement où nous sommes de l’infiniment grand et de l’infiniment petit, et qu’il nous rend incapable de la moindre connaissance objective – même un ciron ferait mieux – pour Jankélévitch ce « presque » zéro est la « marque de fabrique » de l’homme.
L’homme est un être incertain : capable d’héroïsme ou d’abnégation, mais aussi des pires horreurs, sa caractéristique est d’être à la fois au dessus et au-dessous de l’humanité (Merleau-Ponty) ; il peut basculer dans l’un ou dans l’autre de ces domaines. Mais jamais il ne sera vraiment et exclusivement ou l’un ou l’autre.
Une dernière remarque : on voit que l’homme n’étant ni ange, ni bête (encore Pascal) aucun absolu ne lui est accessible, celui du mal absolu pas plus que celui du souverain bien. C’est peut-être ça l’idée à la quelle on résisterait le plus volontiers : que la sainteté ne soit pas à notre portée, passe encore ; mais que l’horreur du bourreau qui déshonore l’humanité de sa présence ne soit encore qu’un petit rien du tout par rapport à l’infini du mal, comment l’accepter sans frémir ?
Frémissez tant que vous voudrez, mais si Jankélévitch et Pascal ont raison, l’homme – vous, moi – est ce presque zéro, cet ε qui oscille en permanence un cran au-dessus, un cran au-dessous de l'animal.
(1) Qu'est-ce qu'un homme, dans l'infini ? A lire ici
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