Entre une infinité de mondes possibles, il y a le meilleur de tous, autrement Dieu ne se serait point déterminé à en créer aucun ; mais il n’y en a aucun qui n’ait encore de moins parfaits au-dessous de lui : c’est pourquoi la pyramide descend à l’infini.
Leibniz Essai de théodicée §416
Pouvons-nous concevoir le pire des mondes ?
Nous sommes là à l’avant dernier paragraphe de la Théodicée. Sous forme de mythe, Leibniz reprend la cheminement qui fut le sien.
Les mondes possibles (entendez ceux dont le plan a été conçu par Dieu et qui étaient en compétition pour l’existence) sont rangés dans une pyramide, son sommet coïncide avec le meilleur possible, mais elle n’a pas de base : celle-ci s’évase indéfiniment et direction du pire. Ce qui signifie que le meilleur des mondes est concevable, mais que même Dieu ne peut concevoir le pire des mondes.
On pourrait s’étonner : le meilleur des mondes est simplement celui dont la bonté est compatible avec l’existence ; un monde meilleur que celui ci pourrait être conçu, mais il ne pourrait être créé. Alors, de même, n’y aurait-il pas du côté du pire une limite au-delà de la quelle un monde encore plus mauvais ne pourrait se maintenir dans l’existence ? Et ces deux limites (du côté du meilleur et du côté du pire) ne risquent-elles pas de coïncider ? En tout cas, c’est comme ça que je comprends la phrase de Jankélévitch : «Le meilleur des mondes n'est que le moins mauvais ». Car alors un monde juste un peu meilleur serait irréalisable, et un monde juste « un peu pire » sombrerait dans le néant
J’admets que la réponse appartient à de meilleurs leibniziens que moi : ça peut exister ( !). Quant à moi, je me contenterai de dire que pour Leibniz le mal n’a pas besoin d’être créé pour exister : il relève de la liberté de la créature, et comme tel il est imprévisible (1). La Pyramide s’enfonce dans des formes toujours nouvelles du mal, c’est la loi du pêché, c’est la leçon de l’histoire.
En tout cas, si je reviens sur le Post d’hier, je dirai qu’il y a deux formes du mal : l’une est le fait de la « bonté » de Dieu, c’est la mort, ce sont les fléaux naturels, c’est la lourdeur du fardeau que l’homme doit porter.. L’autre est le fait de l’homme : c’est la mort des innocents, c’est le pillage des ressources naturelles, c’est l’esclavage. Si on ne peut rien sur le premier mal (à moins dirait Leibniz d’obtenir de Lui qu’Il fasse un miracle), on peut en revanche agir sur le second : mais il faut inverser le cours de l’histoire (ou l’accélérer diront les optimistes).
Et ça fait du travail.
(1) Pour Leibniz, Dieu a certes prévu le péché d’Adam, puisque c’est la conséquence de la liberté qu’il lui a donné. Mais a-t-il prévu sous quelle forme Adam pécherait ? Là encore, s’il y a un Leibnizien dans la salle, merci à lui de se signaler.
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