La conscience ne vous interdit pas de faire ce que vous ne devriez pas, elle vous empêche de vous en réjouir.
Cleveland Amory
Curieuse citation : on aimerait la réécrire – La conscience même si elle ne peut empêcher qu’on fasse le mal, nous empêche néanmoins qu’on s’en réjouisse.
Admettons. Ça ne résout pas tout.
La conscience – entendons : la conscience morale – n’aurait aucun pouvoir sur ce qui nous détermine à agir ? Elle n’interviendrait qu’après coup, quand vient le temps des remords – ou des regrets.
- Mais alors, qu’est-ce donc alors qui nous empêche de mal faire ? La conscience morale, et les valeurs qu’elle réactive en nous n’aurait donc aucune fonction là dedans ? On serait honnête uniquement par peur du châtiment ? Ou parce qu’il y aurait un plus grand plaisir à faire le bien que le mal ? Ne serait-ce pas plutôt tout simplement l’amour ? Nous n’irions tout de même pas faire du mal à ceux que nous aimons ?
Voilà : il suffit donc d’aimer l’humanité en général, et le mal disparaît. Aimez-vous les uns les autres. Point-barre.
- Si c’est à ça que vous pensez, alors vous avez un besoin urgent de faire un petit tour du côté de la morale kantienne, c’est moi qui vous le dis…
Pour Kant, une action morale est une action qu’on accomplit par devoir et non par plaisir (1) ou par besoin, ou par tout sentiment qu’il soit de pitié, d’amour ou ce que vous voudrez. La conscience morale est la conscience du devoir qui m’est fait de respecter les valeurs de la raison, et rien d’autre.
- Et l’amour ? Qu’est-ce qu’il en fait de l’amour, Kant ? N’aurait-il aucune valeur ?
- Mais si, justement : à condition toutefois que ce soit l’amour pratique, celui qui seul a une valeur en morale et qui est en fait l'autre nom donné au devoir.
- Pratique ? Ça a quoi de « pratique » l’amour ?
- « L’amour comme inclination ne peut se commander ; mais faire le bien précisément par devoir, alors qu’il n’y a pas d’inclination pour nous y pousser, et même qu’une aversion naturelle et invincible s’y oppose, c’est là un amour pratique et non pathologique, qui réside dans la volonté et non dans le penchant de la sensibilité ; or cet amour est le seul qui puisse être commandé. » Kant – Fondements de la métaphysique des mœurs, I
(1) Comme on va le voir dans le texte cité plus bas, ce qui se fait par devoir obéit à un impératif pratique, alors que ce qu’on fait par sentiment résulte d’un penchant pathologique (ce terme n’ayant chez Kant aucune connotation péjorative : il s’agit seulement de ce qui est de l’ordre du pathos, c'est-à-dire de la sensibilité)
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