Ce qui est dans ton dos est dans ton dos. L'oubli est une science.
Félix Leclerc – Le calepin d'un flâneur
L'oubli est une science…
Voilà une formule qu’on aimerait avoir inventée pour la coller sur la première page de son journal intime – histoire de faire jaser…
La question est : comment oublier ? Quelle est cette science admirable, qui nous dispenserait de consommer des tranquillisants par poignées ?
Félix Leclerc semble dire qu’il n’y a rien à faire de spécial, sinon de regarder seulement devant soi, et de ne pas se retourner pour ne plus avoir devant nous ce qui est en fait derrière (1).
1ère sous-question : comment distinguer le devant et le derrière dans notre vie ?
Car au fond, si le présent est fait de ce qui hante ma conscience dans l’instant présent, alors il est fait aussi de tous les souvenirs obsédants qui s’y pressent. D’ailleurs on dirait la même chose des rêveries par les quelles nous nous projetons dans l’avenir.
Si donc il y a dans notre présent des souvenirs, alors il s’en distinguent dans la mesure où ils ne sont plus utiles pour l’action – car c’est l’action qui détermine à coup sûr le présent.
En conséquence, comme le disait Bergson, le présent est fait de la durée concrète de l’action, qui mobilise le passé immédiat et l’avenir imminent, passé et avenir engagés dans notre présent comme nécessaire au bon déroulement de ce que nous faisons.
2ème sous-question : que faire pour débarrasser notre présent des souvenirs encombrants et inutiles ? Voilà la question que beaucoup se posent, et que nos amis les philosophes ont réglée depuis longtemps (2).
Comme Nietzsche et Bergson l’ont indiqué, c’est l’action qui nous inclut dans le présent, et c’est l’inaction qui nous laisse disponible pour le passé et l’avenir. Les souvenirs sont des ressources que nous devons appeler dans notre conscience pour les mettre en œuvre pour la réussite de notre action, rien de plus.
Comment oublier ? Voilà donc la réponse : agir.
L’oubli est donc une technique plus qu’une science.
(1) « Monsieur a son avenir devant lui, mais il l’aura dans le dos chaque fois qu’il fera demi-tour » disait le fakir Rabindranath Duval
(2) C’est Nietzsche qui enseignait que l’oubli ne s’identifie pas à la vis inertiae qu’on le croit être. Voir Post du 2 février 2006
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