Monday, March 12, 2007

Citation du 13 mars 2007

J’ai souvent été frappé du fait que les professeurs de sciences, plus encore que les autres si c’est possible, ne comprennent pas qu’on ne comprenne pas.

G. Bachelard - La formation de l’esprit scientifique.

Je vais faire plaisir aux cancres - s’il y en a qui me lisent : votre professeur y est peut-être pour quelque chose.

En disant cela, je sais que je cours le double risque de paraître donner des leçons à ceux qui font ce dur métier ; et de flatter bassement tous ceux qui ont tâté de l’échec scolaire. Autant dire que je m’adresse à ceux qui auront la patience de lire, et l’esprit libre de préjugé.

Bachelard évoque ici une psychologie de l’erreur, qui ne doit rien aux préjugés sociaux-culturels (encore que ça existe bien évidemment) et il met en cause, chez les enseignants, l’indifférence - voire l’ignorance - pour ces mécanismes. Dans certaines erreurs, le langage, et surtout l’intuition première y sont pour quelque chose : prenons, dit Bachelard, l’exemple du principe d’Archimède. On n’y comprend rien parce qu’on suppose que le morceau de bois « flotte » sur l’eau ; quand on l’enfonce, on dit qu’il « résiste ». On est de ce fait incapable de comprendre qu’il est en réalité soutenu à la surface par une poussée calculable mathématiquement.

Vous êtes prof de physique, vous expliquez cela à vos jeunes élèves : ils vont être morts de rire. Dur métier, oui… Mais demandez au prof de physique pourquoi ses élèves ne le comprennent pas, et il vous répondra qu’ils n’ont pas écouté, ou qu’ils sont de mauvaise volonté ; peut-être même qu’ils sont trop bêtes.

Alors vous me direz qu’il y a des IUFM pour résoudre ces difficultés, que des théoriciens de la pédagogie ont depuis longtemps trouvé la parade, etc… Mais dans la pratique, il y a toujours des profs qui «ne comprennent pas qu’on ne comprenne pas ». Pourquoi ?

A mon avis, c’est que les profs ne savent pas ce que c’est que d’être un élève qui ne comprend pas : eux, ils ont été des bons élèves qui ont toujours su trouver leur place dans la classe et se faire apprécier de leurs profs - bref : ils ont aimé ça. Oui, mais quand on a été humilié par des profs sadiques, « cancrifié » dans des disciplines fondamentales, même - et surtout - si on a pris sa revanche dans la vie, on ne se mêle pas de devenir prof.

Pour lutter contre l’échec scolaire, il faudrait réserver les concours de recrutement des enseignants à ceux qui ont été des cancres. Eux seuls comprendraient qu’on ne comprenne pas.

7 comments:

Anonymous said...

Mais alors, qu'expliqueraient ces anciens cancres à leurs nouveaux élèves? Des choses qu'eux même n'ont pas pu comprendre? Existe-t-il vraiment une solution?

Anonymous said...

je suis d'accord quand au faite que certains professeurs ne comprennent pas qu'on ne comprennent pas. Cepandant, je ne suis pas d'accord quand vs affirmé que ces professeurs étaient des bons élèves. En effet, le fait d'apprendre quelque chose, de le comprendre et de l'intériorisé fait que l'esprit humain va faire une sélèction dans son esprit, c'est-à-dire que la personne va oublié tout le travail(pénible ou facile) qu'il a fait pour comprendre cette théorie et ne comprendras pas pourquoi cette théorie qui est tellemnt simple à comprendre n'est pas comprises par un autre. Ainsi cela ne vous est t'il jamais arrivé par exemple en corrigeant les devoirs d'un enfant(par exemple au CP), de trouver presque abhérent qu'il n'arrive pas à trouver combien font 5+6 ? Réfléchisez y!

Jean-Pierre Hamel said...

Réponses :
A Carole, je dirai que les cancres dont je parle sont ceux qui ont su trouver la voie pour comprendre. Peut-être que le terme était un peu exagéré... Peut-être vaudrait-il mieux dire "autodidacte" (des autodidactes qui ont mieux compris par eux-mêmes que par les méthodes pédagogues)... à conditions que ces autodidactes n'exigentpas des autres qu'ils comprennent tout seul.

A Saf : mon message est en effet centré sur cette imcompréhension.
Bien sûr il y a une sélection des souvenirs, et comme disent certains on ne conserve queles souvenirs utiles. Mais il y a aussi des souvenirs qu'on peut réactiver quand on est dans la situation d'avoir à apprendre quelque chose aux autres.
Mes "cancres-profs" seraient -dans l'idéal - des gens capables de se souvenir de leur temps d'écolier.

Autodesk said...

Ah oui !!! Comme je suis d'accord...
De cette distance fondamentale du prof ancien bon élève aux mauvais élèves de sa classe !!!
Forme d'égocentrisme, d'ignorance, besoin d'être sûr de ses compétences, refus de se remettre en question, simplification de la pédagogie en didactique...
Et je suis prof... ancien bon élève perturbateur.

Anonymous said...

Pour moi, il y a surtout deux sortes de profs :
_ ceux qui aiment véritablement leur métier et qui font tout pour que leurs élèves réussissent (et comprennent effectivement qu'il existe plusieurs façons de faire comprendre les choses, parce que tous les esprits ne "fonctionnent" pas de la même façon)
_ et ceux qui font leur cour sans se préoccuper de savoir si tout le monde "suit", c'est le prof de maths de ma fille, elle est revenue en larmes hier à cause d'une "sale" note qu'elle avait eu pour un devoir surveillé alors qu'elle l'avait bien préparé (beaucoup de parents se plaignent de ce prof) Aujourd'hui elle est revenue avec le sourire, un 17 en sciences physiques, je me suis empressée de lui faire remarquer qu'elle n'était pas nulle en matières scientifiques, que c'est le prof de maths qui devrait se poser des questions et qu'elle ne devait surtout pas se décourager.

C'est ma première visite sur ce blog, mais ce ne sera certainement pas la dernière (si toutefois je suis autorisée à y revenir :)), j'apprécie beaucoup ce que j'y ai lu jusqu'à présent. Félicitations.

Jean-Pierre Hamel said...

Bien venue à "Cassonade", que je tiens à rassurer : depuis le 1er avril dernier je n'ai mencé personne d'exclusion :
http://citationdujour.blogspot.com/2006/03/citation-du-1er-avril-2006.html

Anonymous said...

Merci :)