Saturday, October 11, 2008

Citation du 12 octobre 2008


Ernest Hemingway conseillait à l'apprenti écrivain d'omettre dans son récit un point important, que l'auteur connaît mais que le lecteur ignore, de sorte que l'histoire tourne autour de ce point invisible. Ce procédé stimule la curiosité du lecteur et, donc, son attention, et le met à la recherche de la solution du problème dont une donnée importante est absente. Pour le dire autrement, il cherche à résoudre la dissonance cognitive qui provient de la différence entre ce qu'il voit et ce qu'il ne voit pas, mais peut imaginer.

Jean Cottraux – La Répétition des scénarios de vie

Voilà qui devrait guérir les lecteurs que nous sommes de notre admiration idiote pour certains romans et scénarios de films, et pas seulement dans le genre policier, qui utilisent des procédés d’exposition tels que l’énigme artificiellement construite sur un tour de passe passe de la narration..

Je ne crois pas utile de pérorer sur des exemples confirmant la justesse du propos de Hemingway. En revanche, je voudrai souligner que bien souvent nous sommes victimes des stéréotypes de l’auteurs, dont le dispositif décrit ici n’est qu’une variété.

Et c’est vrai que nous sommes fascinée par ces procédés. Ce genre de tache aveugle dont parle Hemingway et dont la présence sert à stimuler l’intérêt n’est en effet qu’une recette parmi d’autres. Je pense que nous devrions être à l’affût de leur présence, même quand il s’agit de « trucs » propres à l’auteur et qui ne se révèlent que par leur répétition de livre en livre. Il en va ainsi du retour, de roman en roman, des mêmes situations, des mêmes personnages, comme, par exemple, les personnages dépressifs et les héros fédérateurs des ouvrages d’Anna Gavalda (1).

On dit que les romanciers passent leur vie à refaire le même livre. Admettons.

Mais alors il y a deux catégories de romanciers : ceux qui réécrivent leur premier livre, et ceux qui de roman en roman poursuivent l’écriture de leur premier et unique livre.

(1) Mon avis sur Anna Gavalda est en réalité très nuancé. En fait même si ses personnages finissent par me porter sur le système nerveux, je dois avouer que j’aimerais savoir écrire comme elle (= avoir autant de choses à dire qu’elle)

3 comments:

Djabx said...

Je pense que nous devrions être à l’affût de leur présence, même quand il s’agit de « trucs » propres à l’auteur et qui ne se révèlent que par leur répétition de livre en livre.

Votre post du jour, m'oblige à vous poser une question: pourquoi lisez vous ?

Est-ce juste pour rechercher une construction littéraire que vous n'avez jamais lu, et vous faire surprendre par cette nouveauté?


Pour ma part, je dois avouer que j'ai encore un rapport infantile avec les livres que je lis: j'aime qu'ils me "racontent une histoire" et que celle-ci me fasse "vibrer". Si en plus ils peuvent faire en sorte que je me pose des questions, ou me faire réfléchir alors tant mieux (et de plus en plus c'est ce que je recherche).

Mais dans tous les cas, la construction littéraire n'est pour moi qu'un "contenant" et même si ça peut mettre agréablement le contenu en valeur, ce n'est qu'un contenant.
Enfin, il me semble...

Jean-Pierre Hamel said...

Est-ce juste pour rechercher une construction littéraire que vous n'avez jamais lu, et vous faire surprendre par cette nouveauté?

Oui, on peut dire « surprendre par la nouveauté », mais je préfèrerais dire « émerveiller par l’invention ».
Barthes dans le « Plaisir du texte », décrit le lecteur prenant son plaisir solitaire en lisant, sautant des pages pour arriver plus vite au passage qui le passionne. Et c’est vrai qu’on lit souvent comme ça. Mais que reste-t-il de cette lecture le bouquin refermé ?
Il m’arrive de lire comme ça, mais je n’aime pas trop. J’aime en revanche les livres dans les quels je me sens perdu au début et que je découvre progressivement. Je ne sais plus qui disait : « un grand livre est _toujours_ écrit dans une langue étrangère qu’il faut apprendre ». C’est ça mon rapport au livre : apprendre un nouveau langage.
Autrement mon rapport infantile au livre se caractérise par l’attirance pour le roman épais comme la cuisse – 600 pages – Ça veut dire que j’ai horreur de quitter les personnages et il m’est arrivé plus d’une fois de ne pas lire les 50 dernières pages pour avoir le sentiment que leur histoire se poursuivait indéfiniment.

Djabx said...

Ça veut dire que j’ai horreur de quitter les personnages et il m’est arrivé plus d’une fois de ne pas lire les 50 dernières pages pour avoir le sentiment que leur histoire se poursuivait indéfiniment.

Comme je vous comprends, et vous admire; je n'arrive jamais à m'arrêter avant la fin, je continue toujours sur ma lancé.