Wednesday, October 22, 2008

Citation du 23 octobre 2008


Le larcin, le meurtre, l’adultère et toutes sortes d’in jures sont défendues par les lois de la nature. Mais ce n’est pas la loi de la nature qui enseigne ce qu’il faut nommer larcin, meurtre, adultère ou injure à un citoyen. C’est à la loi civile qu’il faut s’en rapporter.

Hobbes – Du citoyen, ch. VI, § XVI

Le larcin, l’inceste, le meurtre des enfants et des parents, tout a eu sa place entre les actions vertueuses.

Pascal, Pensées (Frg 56 Le Guern) (Voir Post du 28 mai 2007)


L’ouvrage de Hobbes n’étant que légèrement antérieur à la rédaction de ce fragment des Pensées, on peut croire que ce thème était alors fort discuté : y a-t-il une (des) loi(s) de nature établissant une justice universelle ?

Comme on le sait, Pascal estime que cette loi existe (1) mais que les hommes en ont perdu la connaissance. Quand à Hobbes il fait une distinction entre la loi et son application. Les lois civiles restent indispensables.

Ainsi, on dira : bien sûr il est toujours défendu de tuer un homme. Mais c’est à la loi qu’il appartient de dire ce que c’est qu’un homme. (2)

Vous ne me croyez pas ?

Agamben dans Homo sacer I montre qu’en droit romain l’homicide n’est pas un fait défini par un acte mais par la nature de celui sur qui il est perpétré. Et que l’appartenance à l’espèce humaine ne suffit pas pour l’établir. L’homo sacer – homme sacré – est celui dont on ne peut faire un sacrifie aux Dieux. Mais il et aussi celui qu’on peut tuer sans qu’il y ait homicide (comme l’esclave par exemple). Vous avez bien lu « droit romain » : on n’a pas attendu les nazis pour dire que tous les hommes n’en sont pas.

Et l’adultère ?

L’adultère est défini par les lois concernant le mariage. Admettons que ces lois étant parfois complètement absentes, les rapports hors mariages doivent être tolérés (3).

Quand à l’inceste on a déjà dit ici que même si toute société humaine le prohibait, néanmoins son périmètre d’application était fort variable. Son existence n’étant plus dès lors justifiée par l’évitement d’une situation objective (empêcher que ne dégénère l’espèce), mais plutôt par la nécessité de consolider les rapports sociaux.


(1) Loi divine plutôt que naturelle, mais de toute façon universelle

(2) Vous reconnaissez dans cet adossement de la loi naturelle à la loi civile le procédé systématiquement mis ne œuvre dans la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789

(3) Si je ne me trompe pas, le mariage a d’abord été institué dans l’aristocratie pour établir la filiation, puis étendu aux autres ordres. Voir Le chevalier, la femme et le prêtre de Georges Duby

No comments: