Tuesday, April 05, 2011

Citation du 6 avril 2011

Charité n'a pas d'heures

Saint Vincent de Paul (également attribué à Jean Rodhain fondateur Secours catholique)

Cité Saint Pierre à Lourdes (Adresse du Secours catholique)

Charité n'a pas d'heures : voilà une de ces formules proverbiales qui font à la fois les délices et le tourment des amateurs de citations. Car, bien sûr on est absolument ravi de trouver une vérité aussi stimulante moralement ; et en même temps on se sent un peu étouffé : quel commentaire pourrait-on ajouter à ce proverbe ?

Mais ce qui m’a décidé à m’y arrêter, c’est cette image qui l’illustre. Comment la définir ? Et d’ailleurs, est-ce une illustration ? Un rébus ? Et pourquoi est-on ainsi troublé par cette horloge sans aiguilles ?

- Au fait : combien d’aiguilles faut-il à une horloge ? Remontons un peu le temps ; les premières horloges médiévales n’avaient qu’une aiguille : celle des heures, car l’aiguille des minutes était inutile du fait de l’imprécision de ces machines. Aujourd’hui nos chronomètres affichent les centièmes de secondes et probablement feraient-ils encore mieux si on le leur demandait. D’ailleurs certains ont plusieurs cadrans pour bien montrer que leur possesseur vit sur plusieurs fuseaux horaires en même temps (comme ici).

Bon, mais une horloge sans aiguilles ? Est-elle imprécise au point de ne pas pouvoir afficher même les heures ? Stupide. Ou bien est-il simplement inutile à son possesseur de connaître l’heure ? Alors qu’il la jette aux orties.

On sent qu’il y a quelque chose de plus essentiel qui se dit ici : c’est de la sortie hors du temps qu’il s’agit.

Car en fait c’est cela qui retient l’attention : de même que l’absence de l’être cher est montrée par l’assiette de soupe qui refroidit sur la table en face de la chaise vide, l’intemporalité se montre par une horloge sans aiguille. Montrer la fonction et puis montrer qu’elle ne sert plus de rien.

Ce n’est pas seulement que nous soyons conviés à être charitable à tout moment ; c’est que la charité, vertu théologale, ne s’inscrit pas dans la durée.

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N.B. Nous nous sommes intéressés à l’histoire de Cimon, et à l’allégorie de la charité romaine qui en découle (voir ici).

Depuis, j’ai découvert ce texte de Steinbeck qui lui fait manifestement allusion. Le voici :

"Dans la grange pleine de chuchotements et de murmures, Rose de Sharon resta un instant immobile. Puis elle se remit péniblement debout, serrant le châle autour de ses épaules. Lentement, elle gagna un coin de la grange et se tint plantée devant l'étranger, considérant la face ravagée, les grands yeux angoissés. Et lentement elle s'étendit près de lui. Il secoua faiblement la tête. Rose de Sharon écarta un coin du châle, découvrant un sein.- Si, il le faut, dit-elle. Elle se pressa contre lui et attira sa tête vers elle.- Là! Là. Sa main glissa derrière sa tête et la soutint. Ses doigts caressaient doucement les cheveux de l'homme. Elle leva les yeux, puis les baissa et regarda autour d'elle dans l'ombre de la grange. Alors ses lèvres se rejoignirent dans un mystérieux sourire." Steinbeck – Les raisins de la colère

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