La danse, n'est-elle pas la marche dans son apothéose ; marche noble, dépouillée d'un but utilitaire, et libre comme un jeu d'enfant ?
Anne Hébert – Le Torrent
Faites donc cette petite expérience : imaginez que vous ne savez pas ce que signifie le mot « danse », et puis allez voir une Encyclopédie des citations en essayant de deviner ce qu’il veut dire à la lecture des phrases qui l’illustrent.
Le constat que vous ferez probablement, c’est qu’à chaque nouvelle citation on parle d’autre chose. Et d’ailleurs, si chacun de nous proposait sa propre définition, on arriverait peut-être à la même observation.
Le mieux qu’on ait à faire, c’est à notre tour de choisir une définition, peut-être arbitrairement, et puis de montrer que – non – ce n’est pas si arbitraire que ça.
Voilà donc à quoi j’arrive : la danse,dans ce qu'elle a de plus élémentaire et donc sans doute de plus universel, est une forme de marche, comme le dit notre écrivain(e) du jour, une marche qui serait dépouillée d'un but utilitaire, et libre comme un jeu d'enfant.
Le danseur a en effet cette caractéristique : si sa marche est libre, c’est aussi qu'elle est non utilitaire.
Et c’est tout à fait surprenant : quand nous marchons, c’est pour aller d’un point à un autre, jamais sans raisons – jamais pour jouer. Pour jouer, on court, on saute, on ne marche pas !
Mais le danseur, si. Il marche comme ça, pour faire jouer justement la beauté de son corps, pour déployer sa jambe, pour faire aller ses bras, pour respirer en rythme. Danser, c’est simple comme tout : il suffit de savoir marcher librement.
Oui, mais précisément, c’est cela qui est difficile ! Car marcher librement, c’est marcher comme si aucune contrainte ne s’exerçait sur nous, comme si la pesanteur n’existait pas, comme si les articulations de nos membres n’en limitait pas d’avance les possibilités.
Comme si à chaque pas on inventait le pas suivant.
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