Tuesday, February 14, 2012

Citation du 15 février 2012

- Les finances sont presque partout mal administrées, moins par l'incapacité de ceux qui les gèrent, que par l'incertitude où ils sont s'ils les géreront longtemps.

- Que peut entreprendre de grand un homme, qui craint à chaque instant qu'on ne lui demande ses comptes ? Quelle apparence qu'il travaille pour son successeur ?

- Presque tous les projets utiles sont d'une lente exécution. La guérison est longue, le palliatif s'applique en un moment.

- Quel est le ministre qui fera planter tous les bords de nos mers de bois propres à la construction des vaisseaux ? Cette plantation ne sera utile que dans un siècle ou dans un siècle et demi.

- Au lieu de travailler pour le bien de l'État, le ministre des finances travaille pour sa gloire.

La Beaumelle – Mes pensées ou Le qu'en dira-t-on (1752) CLXV

J’ai bien hésité avant de publier cette citation dans la continuité de ses alinéas : ne valait-il pas mieux la désarticuler, quitte à y revenir successivement 5 fois ?

Et puis j’ai considéré qu’on ne gagnerait rien à la monnayer ainsi et que chaque aphorisme se renforçait des aphorismes voisins.

On songe en lisant La Beaumelle à la campagne électorale française et aux sarcasmes qui accompagnent les projets de réformes faits par certains candidats parce qu’ils couvrent hardiment les 10 années à venir : - Vous vous voyez donc non seulement élu, mais encore réélu ? leur dit-on.

Par ailleurs, les journalistes demandent aux candidats : - Si vous êtes élu Président, quelle est la première mesure que vous prendrez ? L’homme ne va pas répondre : « planter tous les bords de nos mers de bois propres à la construction des vaisseaux », justement parce que, ce qu’on veut, ce sont des mesures urgentes et – surtout – efficaces tout de suite.

--> La Beaumelle parle depuis son milieu de 18ème siècle pour nous dire que les ministres des finances travaillent pour leur gloire immédiate et que c’est pour cela qu’ils sont inefficaces : l’action de la finance demande du temps pour réussir, et eux, comme nous aujourd’hui, ils veulent tout, tout de suite.

Tout cela est bien évident, et on ne gagnerait pas grand-chose à rajouter des exemples et des applaudissements.

Par contre, je trouve quand même bien significatif que La Beaumelle ait choisi, pour illustrer les impatiences de l’ambition, précisément le domaine de la finance. C’est qu’en réalité la finance est dans le long terme, et les financiers dans le court terme.

Car aujourd’hui, en pleine tempête financière, qu’entendons-nous ? Que le temps de la politique (et de ses réformes) est beaucoup trop lent pour les Marchés. Que ceux-ci s’impatientent devant les atermoiements des gouvernants et qu’eux, ils veulent des mesures efficaces dans la semaine, ou à la rigueur dans le mois qui suit.

C’est que ces courtiers de la finance sont dans le court terme. On passe aujourd’hui des ordres en bourses grâce à des programmes informatiques qui réagissent à la fraction de seconde près et qui sont capables de vous acheter et de vous vendre 100 fois par heure le même paquet d’actions.

On est bien au-delà des impatiences de ministres de La Beaumelle. Mais du coup, on peut voir encore mieux combien il avait raison : ce n’est pas que le profit soit, en soi, une mauvaise chose. Mais nous, nous savons que c’est le profit à court terme, celui qui se moque des conséquences à moyen ou à long terme, qui est une catastrophe aussi bien pour les hommes que pour leur environnement.

Mais, La Beaumelle devait quand même le savoir : à son époque, le roi de France était Louis XV – oui, celui qui a dit : Après moi le déluge !

2 comments:

Anonymous said...

En lisant votre message, je pense tout naturellement à l'avenir des centrales nucléaires...

Une catastrophe comme celle qu'a connu le Japon ne fait même pas réfléchir

" Le Japon comptait 54 réacteurs nucléaires opérationnels avant l'accident nucléaire de Fukushima dont 46 sont à l’arrêt depuis décembre 2011. Les huit qui restent devraient prochainement être stoppés à leur tour suite aux inspections de maintenance et aux tests de résistance . Deux réacteurs sont en construction."

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Le profit est une bonne chose- bien évidemment que l'on doit profiter des avancées scientifiques et technologiques, mais pour le bien de tous.

Et ce dans tous les domaines.

Pour les finances, avant son départ,Debré avait anticipé; une généreuse "indemnité chômage" pour les parlementaires, qui n'ont eux, pas besoin de remplir des formulaires et faire la queue à Pôle emploi...

F'(ODABEMIL)

Jean-Pierre Hamel said...

Sur le problème de la mise en service des centrales nucléaires et plus généralement sur la sauvegarde de la planète :
- Il faut penser à Hans Jonas et son « Principe responsabilité » qui dit – entre autre – que nous devons avoir comme principe éthique de nos actions, de respecter non seulement autrui – celui qui est là, près de moi, et qui à lui tout seul incarne l’Humanité – mais aussi les hommes et les femmes qui vivront après moi, les générations futures.
Ça semble aller de soi, mais comme le dit Jonas, aucun système éthique – ni religieux d’ailleurs – ne prend en compte la dimension du futur. Pour que mon action soit éthique il ne suffit donc pas qu’elle respecte les valeurs de la morale aujourd’hui, mais il faut aussi qu’elle les respecte pour plus tard.