Qui n'a rien, ne risque rien.
Guy Bedos – Extrait
d'une interview dans Playboy – 1976
Une idée bien simplette, n’est-ce pas ? Mais si nous
pensions aussi à la réciproque : Qui ne risque rien, n’a rien ? Là,
ça deviendrait un peu plus intriguant.
Voyons ça :
1 – le risque
n’existe que là où il y richesse – ou si l’on veut un bien précieux.
C’est ainsi que celui qui n’a plus rien, le pauvre, le
misérable, le sans-domicile, a encore sa vie à risquer – il peut se faire
mercenaire ou prostitué(e). La vie est encore un bien, sauf pour le désespéré,
qui lui en effet, n’a plus rien à perdre.
2 – Mais réciproquement le risque est aussi source de
richesse. Prendre des risques mérite récompense ou rémunération : à chaque
fois que j’engage un bien, si je prends le risque de le perdre, je peux
demander une contrepartie (1). C’est ainsi qu’au moyen âge, l’Eglise a fini par
accepter sous cette condition les prêts à gage. Lorsqu’arrivant sur une foire
de Champagne un marchand achetait des pièces de draps pour les revendre sur
place, il empruntait pour cet achat le matin l’argent qu’il allait restituer le
soir. Mais alors il restituait le capital augmenté d’un intérêt, non pas parce
qu’il s’était enrichi grâce à cet argent, mais parce qu’il avait fait prendre
le risque au bailleur de ne pas le récupérer.
Du coup, on voit que le ressort de l’économie financière
est précisément le risque. C’est lui – et non la productivité – qu’on rémunère,
et la crise actuelle nous fait prendre
conscience que l’importance des gains est proportionnelle au risque de tout
perdre, un peu comme à la roulette où l’on gagne d’autant plus qu’on risque
d’avantage de perdre.
On voit également que le fait de comparer les financiers
à des joueurs de casino ne devrait pas être pris comme une critique, mais bien
comme une évidence. Oui, la finance est un jeu qui suppose de hasard – un jeu
où néanmoins les joueurs sont rationnels, c’est-à-dire qu’ils cherchent
l’équilibre entre la confiance et le risque.
C’est d’ailleurs ça qui se révèle dans les soubresauts de
la crise financière : si les traders perdent tant d’argent sans
sourciller, c’est justement parce que c’est comme ça et pas autrement qu’ils peuvent en gagner.
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(1) On se rappelle que Marx définissait ainsi le
capitaliste : c’est l’homme qui prend le risque de faire circuler son
argent au lieu de l’entasser dans des coffres.
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