Proverbe Persan (à
moins que ce ne soit une citation de Pythagore)
Les proverbes sont souvent révélateurs d’une
civilisation, et des rapports de pouvoirs qui la soutiennent.
Comme avec celui-ci (dont on dit qu’il s’agit d’un
proverbe persan, mais que certains attribuent sans trembler à Pythagore), qui
situe la parole non dans le va-et-vient du dialogue mais dans le trajet qui va
du magister au disciple. La parole ne
peut aller que du plus (d’autorité) vers le moins (de sagesse), un peu comme le
courant électrique à l’extérieur du générateur (1). Le disciple ne dialogue pas
avec le maitre ; il ne lui adresse la parole que pour l’inciter à semer
encore, d’avantage…
Du coup d’autres métaphores du même genre viennent à
l’esprit.
- Comme celle qui évoque la stérilité de la parole en
disant qu’on prêche dans le désert.
Dans ce cas (comme le montre cet excellent commentaire), à moins d’être, comme
saint Jean-Baptiste, capable de faire venir au fond du désert les néophytes qui
se baladeraient dans le coin, on parle sans jamais être écouté.
- Mais la parole stérile est aussi parfois comparée à de
la « masturbation intellectuelle »
- expression qui signifie couramment qu’on se donne du plaisir solitaire
en parlant pour soi-même et en
« s’écoutant parler ». Toutefois, le proverbe qui compare le parleur
au semeur est enrichie par cette métaphore, qui suggère que si la production du
parleur solitaire reste stérile, c’est parce qu’elle ne va pas là où elle
devrait aller. Comme les malheureux spermatos dont on parlait récemment, voilà
toutes ces belles phrases qui, au lieu de pénétrer dans l’oreille du disciple
et de là dans son cerveau pour le féconder, filent droit dans le néant (2).
Le néant ? Quel néant ? Le cyber-espace ?
On a cru un moment que les Blogs et autres sites du Net
correspondaient au désert de saint Jean-Baptiste, ou encore que le message mis
en ligne était comme la bouteille jetée à la mer. Mais c’était sans compter les
réseaux sociaux qui assurent ceux qui y parlent qu’il y a leur réseau pour les
écouter.
Ce ne sont peut-être pas encore des disciples ; mais
ce sont déjà des « amis ».
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(1) J’aurais aimé pouvoir filer la métaphore avec la
circulation des électrons à l’intérieur du générateur, du moins vers le plus, mais
j’avoue que je n’ai jamais très bien compris la chose.
(2) Chez les grecs anciens, la même « idée »
avait cours, mais ce n’était même pas une métaphore (du moins ils semblaient y
croire vraiment) : le pédagogue avait des relations pédérastiques avec ses
élèves (garçons, évidemment) parce qu’on imaginait qu’il injectait un peu de sa
science au cours de l’acte copulatif.
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