Lorsqu'une association s'est cristallisée en société, elle a cessé d'être une association, vu que l'association est un acte continuel de réassociation. Elle est devenue une association à l'état d'arrêt, elle s'est figée. [...] Elle n'est plus que le cadavre de l'association ; en un mot, elle est devenue société communauté.
Max Stirner - L'Unique et sa propriété - 1845
A bas la société ! Vive l’association !
Qu’est-ce que c’est que ce galimatias ?
En vérité, il faut dire que le compromis est difficile à concevoir : comment être, comme Stirner, individualiste, et en même temps admettre que l’association de ces individus soit possible sans concession grave ? Cette question est également posée à l’anarchie en général, et ceux-ci la résolvent par le postulat qu’il existe une nature humaine bienfaisante qui harmonise sans qu’on ait à y toucher les humains dans leur groupe de coopération.
Seulement voilà : on ne peut pas, si on s’appelle Max Stirner, à la fois refuser le concept d’humanité (1) et croire à la nature humaine : ce serait incohérent. Comment l’individu (= l’Unique) pourrait-il se définir à partir d’un genre commun ?
Pourtant il faut bien aussi vivre en groupe, s’associer avec d’autres hommes : c’est la loi de l’espèce, et rien – aucune philosophie, aucune religion – ne peut l’empêcher.
Solution de Stirner : l'association est un acte continuel de réassociation. On ne peut rien concéder aux autres qui ne soit l’effet de notre volonté et de ce fait on ne peut éviter de s’engager. Seulement pour que cet engagement ne soit pas en contradiction avec ma liberté et avec celle des autres, il faut qu’il soit lié à un projet précis et donc limité dans le temps. Ce qui ne veut pas dire qu’on devra renoncer ensuite à toute association ; mais bien qu’il faudra se réassocier avec d’autres – ou pourquoi pas, avec les mêmes – par un nouveau pacte souverain. Nouveau et aussi limité que le précédent.
Voilà. Est-ce pensable dans une société aussi organisée et aussi hiérarchisée que la nôtre ? J’en doute.
Mais je me sens un peu fleur bleue ce matin : je me plais à imaginer Stirner se réveillant auprès de sa blonde et lui disant :
- Ma chérie, jamais je ne t’ai juré aide et fidélité pour la vie. Mais ce matin et jusqu’à ce soir, oui : je me veux unis à toi pour le meilleur et pour le pire.
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Nota bene: Certains voudront lire dans cette citation de Stirner une allusion au remaniement ministériel au quel vient de procéder Notre-Président. Certes il reprend (presque) les mêmes et il leur fait (re)jurer fidélité et obéissance : ne serait-ce pas une réassociation ? Oui, sans doute.
Mais si vous voulez me faire croire que Nicolas Sarkozy est un adepte de Stirner, là, vous aurez du mal.
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(1) Voir ici
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