Henry Miller – Lire aux cabinets
Commentaire ILire c'est toujours interpréter.
Qu’est-ce donc qu’interpréter ? Si on consulte un dictionnaire, on voit qu’il s’agit d’un verbe qui peut avoir plusieurs signification – dont l’une justement, indique qu’interpréter c’est donner du sens à quelque signe, et donc aussi à un texte. Quand on lit on donne du sens à un texte… Monsieur de La Palice aurait su dire ça.
On pourrait aussi en dire autant d’une interprétation musicale, en ajoutant que, pour que l’œuvre existe, il est nécessaire d’y insuffler la vie et la sensibilité d’un artiste exécutant.
On arrive alors au problème soulevé par l’interprétation : il est souligné par la formule artiste exécutant. La subjectivité de l’interprète est à la fois nécessaire pour qu’existe l’œuvre musicale, et en même temps elle doit s’effacer devant la volonté de l’auteur, ne pas prétendre se substituer à lui, délivrer quelque chose qui, sans aller jusqu’à refaire ce que l’auteur a fait (1), lui donne sens et consistance.
C’est quand on se tourne vers les œuvres du passé que le problème se pose réellement : faut-il accepter de moderniser une œuvre pour que son contact soit plus facile – voire même pour délivrer un sens dont on l’estimait grosse et que l’auteur lui-même n’aurait pas pu – pas su ? – délivrer ?
Ça peut consister à jouer Bach sur un Steinway, ou à donner des équivalents pour les jeux de mots d’Aristophane (traduire Lysistrata par Démobilisette par exemple – et certains metteurs en scène de théâtre sont des spécialistes de ces transformations).
Revenons au livre. Le lecteur est dans la position de l’interprète musical, il prête sa vie, son intelligence à l’auteur, il vibre d’amour avec ses héros, ou bien il construit patiemment un système de concepts avec Socrate. Le texte, c’est du papier, et rien de plus. La vie du texte, sa vérité, ne commence qu’avec le lecteur et la lecture ne commence qu’avec sa participation. Mais l’interprétation d’un texte, comme celle du musicien, doit s’effacer devant la volonté de l’auteur, et par un effet de cercle, revenir sur celle-ci et faire coïncider la compréhension avec l’intention du texte.
Interpréter un texte, c’est nécessaire…pour le comprendre.
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(1) L’enregistrement phonographique nous a permis de vérifier que les enregistrements des compositeurs (on a l’enregistrement de presque tout Stravinsky dirigé par Stravinsky) n’épuisent pas les possibilités interprétatives.
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