Wednesday, November 10, 2010

Citation du 11 novembre 2010


Depuis que l'homme écrit l'Histoire / Depuis qu'il bataille à cœur joie / Entre mille et une guerr' notoires / Si j'étais t'nu de faire un choix / A l'encontre du vieil Homère / Je déclarerais tout de suite:
"Moi, mon colon, cell' que j'préfère, / C'est la guerr' de quatorz'-dix-huit!"
Georges Brassens – La guerre de 14-18 (Chanson)
Madelon, emplis mon verre, / Et chante avec les poilus, / Nous avons gagné la guerre / Hein ! Crois-tu, on les a eus ! / Madelon, ah ! verse à boire / Et surtout n'y mets pas d'eau / C'est pour fêter la victoire / Joffre, Foch et Clemenceau !
Cette chanson de Brassens est de celles qui me réjouissent le plus avec son accompagnement à la guitare qui détourne une ritournelle militaire pour faire une chanson antimilitariste. Mais je sais aussi qu’elle a un peu déplu, parce qu’elle ironise sur la guerre 14-18 : ironiser sur cette guerre, c’est aussi ironiser sur les morts qu’elle a fait.
Occasion en ce 11 novembre de dire encore une fois que notre mémoire collective a conservé de la Grande Guerre non les batailles (exception faite de Verdun), non les brillants faits d’armes, non les généraux, mais bien les souffrances des poilus (principalement à Verdun, justement).
Pas besoin d’aller à Gentioux pour le constater : sur les monuments aux morts pas un général, pas un gradé. Seul le poilu, le bidasse, le seconde classe – souvent blessé (le poilu « navré ») – est figuré, suscitant la compassion.
On connait certes la Madelon de la Victoire, celle qui dit « Hein crois-tu qu’on les a eus ! » et qui célèbre « Joffre, Foch et Clémenceau », mais si ce refrain célèbre les chefs, il n’oublie surtout pas les poilus et la Madelon est la femme qui les a soutenus pendant l’effort et la misère des tranchées.
C’est qu’en effet cette guerre n’a pas été tout à fait comme les autres. Déjà, si elle a saigné à blanc le peuple de France, c’est par un effet de la démocratie qui a permis à chacun de se retrouver dans les tranchées, et c’est aussi grâce au progrès industriel qui a permis aux machines de guerre d’éradiquer la vie de régions entières.
Mais y a-t-il une autre raison de dire « Moi, mon colon, cell' que j'préfère, / C'est la guerr' de quatorz'-dix-huit » ?
On peut dire aussi cette guerre – à la différence de la Seconde Guerre mondiale qui a impliqué aussi les civils – reste quand même une guerre de soldats : les poilus n’ont pas été seulement de la chair à canon. Même s’ils n’ont pas eu, la plupart du temps, l’occasion d’étripailler les « Boches » à la baïonnette, ils les ont quand même mitraillés et ils ont pu constater les dégâts – quand bien sûr ce ne sont pas les débris de leurs propres corps qui sont restés dans la boue.
Allez, je tente le raccourci : la Guerre de 14-18 est à mi-chemin entre les duels de l’Iliade (= le vieil Homère de la chanson) et la mort anonyme et vitrifiante de Hiroshima.

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