La Citation du Jour souhaite à tous ses lecteurs une bonne année 2011.
De Platon à San Antonio, toutes les citations que vous aimez, avec en prime le commentaire du philosophe.
Gourmandise, paresse, luxure : ce sont les trois vertus cardinales, les vertus de la Fête.
Jean-Louis Bory – Ma Moitié d'orange
Youpi ! Ce soir on fait la fête ! Youpi ! Comme le baron de La vie parisienne, on va s’en fourrer jusque là ! Et tant pis si demain on doit se réveiller pas très frais : au moins on aura fait quelque chose de vertueux, puisque nous aurons cédé à Gourmandise, paresse, luxure [qui] sont les trois vertus cardinales, les vertus de la Fête.
Stop ! C’est un peu facile de jouer sur les mots : les vertus de la fête n’ont rien à voir avec celles de la morale, celles qu’on vise quand on prend le mot « vertu » dans son sens absolu. Ici il s’agit de la virtu, c'est-à-dire de ce courage ou de cette force qui rehausse la capacité à laquelle elle est attribuée.
Et d’ailleurs, tant que vous y êtes, puisqu’il n’y a pas de vertu sans exercices pour la faire croître, dites-moi quels exercices vous avez pratiqués pour parvenir à l’excellence dans le domaine de la bombance, de la fainéantise, et du frotti-frotta amoureux ?
Ridicule ? Bon. Alors, ne vaudrait-il pas mieux abandonner ce vocabulaire, renoncer à ces vertus – surtout si on veut y voir des vertus cardinales ?
Oui, sans doute… Pourtant, reconnaissons que l’idée de vertu associée à la fête a quelque chose d’essentiel : quand on cherche à réaliser une vertu, on poursuit un idéal, on fait en sorte d’arriver à toucher l’étoile qui brille sur l’horizon. On ne peut alors commettre nul excès, puisque, quoiqu’on fasse, on ne pourra que s’approcher de la vertu, jamais la dépasser.
- Avec la vertu, s’il n’y a pas d’excès, en revanche il peut y avoir des insuffisances. Tout ce qui dégoûte notre gourmandise, tout ce qui effarouche notre paresse, tout ce qui ramollit notre luxure se nomme vice qui nous éloigne de la fête.
Donc, soyez un peu sérieux : en attendant le réveillon, vérifiez votre stock de langues de belle-mère, approvisionnez votre cave à champagne, relisez la liste de vos convives, voir si vous n’avez oublié personne.
Etc…
Youpi !
[Ici] on plume l’oye sans la faire crier.
Rabelais – Le Cinquième Livre, chapitre 12
Citation qui conclut le chapitre 12 dont on donnait le 27 décembre un extrait pour un autre commentaire.
Je suppose que cette formule est un proverbe que Rabelais place dans la bouche de Grippe-Minaud comme une évidence avec laquelle chacun sera d’accord : il est toujours plus simple de plumer l’oie quand elle ne s’en aperçoit pas, et nous-mêmes sommes aujourd’hui encore parfaitement au courant de la chose.
Tant et si bien que de nos jours, des associations de contribuables ont protesté contre le prélèvement à la source disant que ce procédé rendait les impôts indolores et donc exposait le contribuable aux pires excès du fisc.
Je suppose que comme moi vous êtes stupéfait d’apprendre que des gens – âgés, mais ce n’est pas le problème – sont découverts dans leur logement, morts depuis très longtemps sur leur lit. Leurs impôts, leur loyer, leurs factures EDF, ont été prélevées automatiquement sur leur compte en banque, alimenté automatiquement lui aussi par le versement de leur pension (1).
Plus fort que Grippe-Minaud, nous savons fabriquer une oie virtuelle, qu’on peut plumer tranquillement et qui ne poussera jamais de cris, parce qu’elle n’a même plus besoin d’exister.
- Ou plutôt, si : l’oie existe encore. Mais elle se définit par une existence strictement économique, qu’on peut sans dommage faire fonctionner sans que la réalité n’intervienne.
C’est comme ça : on vient me piquer des sous dans ma poche sans même que je ne m’en aperçoive – sauf si la poche est vide et que le pickpocket se met à me frapper.
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(1) On sait qu’au Japon certains de ces cas sont en réalité des fraudes entretenus par les héritiers qui s’arrangent pour laisser ignorer le décès du pensionné. Mais bien sûr nous ne nous attachons ici qu’aux cas – hélas bien réels – où il s’agit de mort restée inaperçue.
A ces mots on cria haro sur le baudet. / Un Loup quelque peu clerc prouva par sa harangue / Qu'il fallait dévouer ce maudit animal, / Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout leur mal. / Sa peccadille fut jugée un cas pendable. / Manger l'herbe d'autrui ! quel crime abominable ! / Rien que la mort n'était capable / D'expier son forfait : on le lui fit bien voir.
Selon que vous serez puissant ou misérable, / Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.
La Fontaine – Les animaux malades de la peste (Fables livre VII)
La fable citée hier méritait d’être envisagée d’une façon un peu plus large : car nous sommes un certain nombre à estimer que, comme le baudet de la fable nous payons pour des crimes que d’autres ont commis, et cela simplement parce que nous sommes taillables et corvéables à merci…
Par exemple, qui donc est responsable de la crise financière ? Demandez aux grecs et aux irlandais ce qu’ils en pensent : les simcards dont on gèle les revenus ? Les fonctionnaires dont on baisse les salaires ? Les consommateurs qui voient la TVA augmenter ?
Non, bien sûr : simplement à la différence de l’époque de La Fontaine, on ne fait pas d’eux des coupables, mais on reconnait en eux des victimes très particulières : ils sont faciles à tondre.
Tondons-les.
Car voilà la nouveauté : on n’a même plus besoin de justification. Plus besoin de démontrer comme La Fontaine que le Baudet a commis un affreux péché qui mérite la plus sévère des sanctions. Non. On n’a juste qu’à se demander sur qui peuvent sans risque tomber les coups. L’âne est faible et facile à frapper ? Allons-y et pas besoin de justification. Le cynisme a remplacé l’hypocrisie.
Et rien ne sert de dire que les faibles sont chez nous les pauvres et que pour remplir les coffres des banques leurs maigres ressources sont insuffisantes. Car les pauvres sont pauvres, oui. Mais ils sont légion.
[Grippe-Minaud] - Orça, les lois sont comme toiles d'araignes; orça, les simples moucherons et petits papillons y sont pris; orça, les gros taons malfaisants les rompent, orça, et passent à travers, orça.
François Rabelais – Le Cinquième Livre, chapitre 12 (1)
Selon que vous serez puissant ou misérable, / Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.
La Fontaine – Les animaux malades de la peste (Fables livre VII)
les lois sont comme toiles d'araignes… Rabelais et La Fontaine enfoncent un clou sur lequel on n’a pas fini de taper.
Du temps de Rabelais et de La Fontaine, les lois pouvaient être fabriquées sur mesure pour épargner les puissants tout en piégeant les faibles – c’est ce qu’on a appelé les privilèges.
De nos jours, la loi est la même pour tous, et pourtant nous n’avons pas fini de dénoncer « la force injuste de la loi » (l’expression est de François Mitterrand).
D’où ce soupçon que, malgré l’abolition des privilèges, et l’indépendance des juges, la neutralité de la justice n’est toujours pas assurée.
Car rien n’y fait : on reste persuadés que les milliardaires ne sont pas jugés comme les Smicards et que l’argent– faute de corrompre les juges – permet de payer des avocats habiles à faire acquitter leurs clients.
Mais il n’y a pas que cela : écoutons les avocats engagés dans des procès médiatiques. On les entendra dénoncer les pressions dont sont (seraient ?) victimes les juges et les jurés : quand bien même ils ne seraient pas sous l’influence des pouvoirs politiques, ils restent, disent-ils, soumis aux déchainements de l’opinion publique.
Ils dénoncent des procès jugés à l’avance, et toutes les précautions prises par les journalistes (avec leur formule « assassin présumé »), et même la condamnation de notre ministre de l’intérieur qui aurait porté atteinte à la présomption d’innocence d’un conseiller ministériel leur semble incapable de modifier l’influence exercée sur les juges. D’où le dépaysement de certains procès pour échapper à ce genre de pression.
Reste que ce nouveau pouvoir incarné par les medias a l’avantage de charger aussi bien les puissants que les misérables (voir l’affaire Woerth-Bettencourt).
Est-ce plus juste pour autant ?
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(1) Selon mon édition, l’expression « Orça » signifie « Hé bien » et elle revient comme un leitmotiv tout à long du chapitre (un peu comme aujourd’hui on émaille nos discours de « Voilà… » qui ne servent qu’à masquer l’incapacité à finir une phrase). Mais ici Rabelais joue sur l’assonance de orça avec l’or : Panurge fait mine de comprendre : « De l’or ici ».
Paf ! Paf ! Paf ! Le loup !
Publicité pour les produits laitiers. (À voir ici – si vous y tenez)
Certes, Noël est passé, mais les enfants sont restés… à la maison. Et maintenant il va falloir les occuper, parce que, bien sûr, les jouets du Père Noël les ont déjà lassés.
Quoi de mieux que de leur raconter des belles histoires ?
Vous êtes déjà fatigué de le faire ? Qu’à cela ne tienne : la publicité va vous relayer, comme par exemple avec cette pub pour le lait.
« Il était une fois trois petits cochons… qui grâce à leur cure de produits lactés ont ratatiné le loup en moins de deux trois. » Si vous êtes révolté par la débilité de cette histoire, rassurez-vous : ce n’est pas ça qui va abimer le cerveau de vos chérubins. Parce que eux, quand ils entendent parler du loup, ils l’interprètent selon un code très perfectionné.
Je reprends de l’article de Pierre Lafforgue (1) cette typologie du loup :
« A fréquenter les contes de tradition populaire dans nos ateliers thérapeutiques, il est apparu que les enfants, selon leurs problématiques conflictuelles, repéraient et "travaillaient" trois types de symbolique du loup :
1) Le loup de l'oralité dévorante dans Le petit chaperon rouge ;
2) Le loup de l'analité destructrice dans Les trois petits cochons ;
3) Le loup de la castration, niais et vieillissant, image paternelle démystifiée du post-œdipe, dont le prototype est l'Yzangrin du Roman de Renart. »
--> Pas de doute : le loup-crétin de la pub pour le lait appartient à la famille d’Ysengrin, ce qui lui donne une ascendance tout à fait présentable.
On dira peut-être : pourquoi ne pas lire à nos petits le Roman de Renart, plutôt que de les laisser devant les pubs télé ?
Oui, au fait : pourquoi ?
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(1) L’article de Lafforgue a malheureusement disparu du Net, à l’exception de cette citation qui en est faite sur le site Doctissimo (ici)
Outre l’ethnofolklore du loup, vous trouverez aussi l’ethnofolklore du cochon et l’ethnofolklore … du pet !
Réjouissant.
No comment.
La Cour suprême a statué qu'il ne pouvait pas y avoir une crèche à Washington, DC.
Ce n'était pas pour des raisons religieuses, mais « Ils ne pouvaient pas trouver trois hommes sages et une vierge. »
Jay Leno quotes (American TV Host and Comedian , b. 1950 )
Crèches d’Italie – Exposition au Palais du Tau à Reims