Sunday, December 26, 2010

Citation du 27 décembre 2010

[Grippe-Minaud] - Orça, les lois sont comme toiles d'araignes; orça, les simples moucherons et petits papillons y sont pris; orça, les gros taons malfaisants les rompent, orça, et passent à travers, orça.

François Rabelais – Le Cinquième Livre, chapitre 12 (1)

Selon que vous serez puissant ou misérable, / Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.

La Fontaine – Les animaux malades de la peste (Fables livre VII)

les lois sont comme toiles d'araignes… Rabelais et La Fontaine enfoncent un clou sur lequel on n’a pas fini de taper.

Du temps de Rabelais et de La Fontaine, les lois pouvaient être fabriquées sur mesure pour épargner les puissants tout en piégeant les faibles – c’est ce qu’on a appelé les privilèges.

De nos jours, la loi est la même pour tous, et pourtant nous n’avons pas fini de dénoncer « la force injuste de la loi » (l’expression est de François Mitterrand).

D’où ce soupçon que, malgré l’abolition des privilèges, et l’indépendance des juges, la neutralité de la justice n’est toujours pas assurée.

Car rien n’y fait : on reste persuadés que les milliardaires ne sont pas jugés comme les Smicards et que l’argent– faute de corrompre les juges – permet de payer des avocats habiles à faire acquitter leurs clients.

Mais il n’y a pas que cela : écoutons les avocats engagés dans des procès médiatiques. On les entendra dénoncer les pressions dont sont (seraient ?) victimes les juges et les jurés : quand bien même ils ne seraient pas sous l’influence des pouvoirs politiques, ils restent, disent-ils, soumis aux déchainements de l’opinion publique.

Ils dénoncent des procès jugés à l’avance, et toutes les précautions prises par les journalistes (avec leur formule « assassin présumé »), et même la condamnation de notre ministre de l’intérieur qui aurait porté atteinte à la présomption d’innocence d’un conseiller ministériel leur semble incapable de modifier l’influence exercée sur les juges. D’où le dépaysement de certains procès pour échapper à ce genre de pression.

Reste que ce nouveau pouvoir incarné par les medias a l’avantage de charger aussi bien les puissants que les misérables (voir l’affaire Woerth-Bettencourt).

Est-ce plus juste pour autant ?

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(1) Selon mon édition, l’expression « Orça » signifie « Hé bien » et elle revient comme un leitmotiv tout à long du chapitre (un peu comme aujourd’hui on émaille nos discours de « Voilà… » qui ne servent qu’à masquer l’incapacité à finir une phrase). Mais ici Rabelais joue sur l’assonance de orça avec l’or : Panurge fait mine de comprendre : « De l’or ici ».

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