L'éducation est pour les gens heureux une parure, pour les malheureux un refuge.
Démocrite (Les penseurs grecs avant Socrate, trad. Jean Voilquin, p.179)
De Démocrite on dit qu’il rédigea 53 ouvrages – tous perdus.
Autant dire que quand on cite Démocrite, en réalité on cite une citation transmise par un auteur de l’antiquité et sélectionnée selon ses propres critères. (1)
Education : parure des gens heureux – et refuge des malheureux. D’accord. Mais qui sont les gens « heureux » ? Et qui sont les « malheureux » ? S’agit-il de réussite ou d’échec social ? Ou de destinée affective – tels des amours heureux ou malheureux ? Ou encore de caractère inné ?
Et à propos de l’éducation, que dirons-nous ? A quoi sert donc, selon nous, aujourd’hui, d’être éduqué ?
- A embellir sa vie intérieure, comme on accroche un tableau sur un mur un peu vide ? Ou ne servirait-elle pas plutôt étendre l’emprise de notre esprit, comme on agrandit sa demeure pour y être installé plus spacieusement ?
Peut-être les deux, mais encore faut-il ajouter que tout ça, ça marche à condition de ne pas être dans le besoin.
Car dans le besoin, l’éducation n’est un refuge que dans le sens où le « refuge » constitue une défense : ce que nous demandons à l’éducation, c’est de nous sortir de la médiocrité de notre situation. C’est l’ascenseur social.
- Et si ce n’était pas ça que voulait dire Démocrite ? S’il signifiait simplement que dans la misère ou dans le malheur, l’éducation permet de trouver non pas un moyen d’y échapper, mais une consolation ? Exactement comme pour les gens heureux, l’éducation n’aurait pas d’effet dans la réalité, mais dans la vie intime des êtres ?
Je ne sais pas si c’est exactement à ça que pensait Démocrite, mais en tout cas, là est l’effet le plus fréquemment attribué à la philosophie. Comme le disait Marx, « Les philosophes n'ont fait qu'interpréter le monde de différentes manières » (11ème thèse sur Feuerbach), autrement dit, la philosophie peut servir à consoler l’âme souffrante, mais surement pas à faire la révolution.
Même s’il ajoutait : « ce qui importe c'est de le transformer. »
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(1) On pourra vérifier en consultant le lien suivant combien certaines de ces citations sont insipides. Mais justement, ce serait bien intéressant de savoir pourquoi elles nous ont été transmises malgré tout.
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