Wednesday, December 29, 2010

Citation du 30 décembre 2010

[Ici] on plume l’oye sans la faire crier.

Rabelais – Le Cinquième Livre, chapitre 12

Citation qui conclut le chapitre 12 dont on donnait le 27 décembre un extrait pour un autre commentaire.

Je suppose que cette formule est un proverbe que Rabelais place dans la bouche de Grippe-Minaud comme une évidence avec laquelle chacun sera d’accord : il est toujours plus simple de plumer l’oie quand elle ne s’en aperçoit pas, et nous-mêmes sommes aujourd’hui encore parfaitement au courant de la chose.

Tant et si bien que de nos jours, des associations de contribuables ont protesté contre le prélèvement à la source disant que ce procédé rendait les impôts indolores et donc exposait le contribuable aux pires excès du fisc.

Je suppose que comme moi vous êtes stupéfait d’apprendre que des gens – âgés, mais ce n’est pas le problème – sont découverts dans leur logement, morts depuis très longtemps sur leur lit. Leurs impôts, leur loyer, leurs factures EDF, ont été prélevées automatiquement sur leur compte en banque, alimenté automatiquement lui aussi par le versement de leur pension (1).

Plus fort que Grippe-Minaud, nous savons fabriquer une oie virtuelle, qu’on peut plumer tranquillement et qui ne poussera jamais de cris, parce qu’elle n’a même plus besoin d’exister.

- Ou plutôt, si : l’oie existe encore. Mais elle se définit par une existence strictement économique, qu’on peut sans dommage faire fonctionner sans que la réalité n’intervienne.

C’est comme ça : on vient me piquer des sous dans ma poche sans même que je ne m’en aperçoive – sauf si la poche est vide et que le pickpocket se met à me frapper.

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(1) On sait qu’au Japon certains de ces cas sont en réalité des fraudes entretenus par les héritiers qui s’arrangent pour laisser ignorer le décès du pensionné. Mais bien sûr nous ne nous attachons ici qu’aux cas – hélas bien réels – où il s’agit de mort restée inaperçue.

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