Saturday, December 18, 2010

Citation du 19 décembre 2010

La parole est l'ombre de l'action.

Démocrite (Les penseurs grecs avant Socrate, trad. Jean Voilquin, p.176)

Allez ! Et de deux ! Après le Démocrite philosophe de la culture (hier), voici le Démocrite sémiologue…

Nous étions arrivés hier à l’idée que l’éducation embellissait – ou consolait – l’âme et ne changeait rien à la réalité ; voici maintenant que les signes ne font que la redoubler, sans rien lui ajouter non plus.
Car, qu’est-ce que l’ombre ajoute aux choses ? Suis-je différent selon que j’ai une ombre ou que je n’en ai pas ? Mon ombre ne fait que me suivre, ce qui veut dire qu’elle dépend de moi et non pas moi d’elle.

Par rapport à l’action, toute parole est purement descriptive, et c’est en ce sens qu’on peut dire qu’elle n’en est que l’ombre. C’est ainsi que Rodrigue, raconte sa bataille – bien sûr après qu’elle ait eu lieu : « Nous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort / Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port… ».

Nous en étions là quand survint John Langshaw Austin avec sa découverte des énoncés performatifs, ceux qui justement ne sont pas l’ombre de l’action, mais l’action elle-même. (1)

Mais plutôt qu’un long exposé théorique, peut-être serait-il plus simple de demander à Rodrigue lui-même de nous faire sentir la différence entre un énonce descriptif et un performatif.

Voyez par exemple son apostrophe au Comte : « À quatre pas d'ici je te le fais savoir. » S’agit-il de décrire quelque chose et d’en informer le Comte ? Rodrigue est-il en train de lui expliquer qu’un pré idéal pour accueillir des duellistes est juste à côté ?

Pas du tout, bien sûr. Rodrigue défie le Comte et ses paroles ont exactement de même effet que s’il l’avait souffleté de son gant. Cet énoncé est un performatif, et comme tel ce qu'il désigne n’a pas besoin du supplément d’un acte concret pour exister.

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(1) Voir tag performatif.

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