Wednesday, May 16, 2012

Citation du 17 mai 2012


Chaque objet est le miroir de tous les autres.
Maurice Merleau-Ponty – Phénoménologie de la perception
… Et comme une même ville regardée de différents côtés paraît tout autre et est comme multipliée perspectivement, il arrive de même que par la multitude infinie des substances simples, il y a comme autant de différents univers qui ne sont pourtant que les perspectives d’un seul selon les différents points de vue de chaque monade.
Leibniz – Monadologie – Article 57
J’ai repêché cette citation de Merleau-Ponty que j’avais rappelée récemment, parce que je n’y rendais pas vraiment compte de la pensée du philosophe. Occasion de me racheter, même si on risque de mettre les pieds dans de la gross Metaphysik…
L’idée c’est que chaque réalité est un point de vue sur l’ensemble de ce qui existe : ce qui est relativement évident s’agissant des hommes. Par exemple, comme le dit Merleau-Ponty, ce paysage qui est devant nous, nous paraitra différent selon notre actualité, nos soucis, nos désirs. La montagne est escarpée de différente façon,  selon que je pense à l’escalader, ou que je remarque comment ses plans s’articulent pour un tableau que je cherche à peindre. 

Cézanne – La montagne Sainte-Victoire vue de Lauves
Seulement, voilà : il s’agit de faire le même constat pour chaque objet qui du coup est supposé être la source d’un point de vue sur le monde : un peu comme les monades de Leibniz, chaque objet pour Merleau-Ponty forme un système relié à sa façon à tout le reste, et si nous l’oublions facilement c’est que nous croyons qu’il n’y a qu’un seul point de vue : le nôtre.
Les Chrétiens (ceux d’autrefois du moins) pensaient que tout dans la nature était l’expression de la volonté divine et devait s’interpréter de ce point de vue. Les « Indiens » d’Amérique, eux, considéraient tout ce qui existe comme l’expression d’une intention de la nature qu’il s’agissait de ne surtout pas déranger ; Leibniz comme on vient de le voir croyait que chaque objet constituait un foyer de perspective sur tout le reste. C’est plus compliqué, certes – mais c’est aussi un peu plus excitant.
Qui donc a gâché cette joyeuse poésie du réel ?
Selon Heidegger, c’est la technique pour la quel il n’y a qu’un point de vue : le nôtre, pour lequel la nature n’est qu’un stock de ressources à gérer.
C’est ce qu’il appelle « l’oubli de l’être ».
Quand je vous disais qu’on allait mettre les pieds dans de la gross Metaphysik…
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N.B. On peut contester l’emploi de la langue allemande pour évoquer la métaphysique.
Je me bornerai à rappeler cette citation que je commentai (ici) il y a trois ans :
« La philo n'est pas mal non plus. Malheureusement, elle est comme la Russie : pleine de marécages et souvent envahie par les Allemands. » (Roger Nimier – Le Hussard bleu (1950))

Tuesday, May 15, 2012

Citation du 16 mai 2012


Les événements effacent les événements ; inscriptions gravées sur d'autres inscriptions, ils font des pages de l'histoire des palimpsestes.
Chateaubriand – Mémoires d'outre-tombe
Dans la série les inventeurs visionnaires – Aujourd’hui : le buzz.
Le mot palimpseste désigne :
            - soit une technique visant à réutiliser un parchemin déjà écrit en le lessivant,
            - soit (par métonymie) les vieux textes qui ressurgissent à un examen attentif sous les nouvelles inscriptions, permettant par exemple de ressusciter des pages de Cicéron qu’on croyait à tout jamais perdues.
Chateaubriand prend le premier sens : le palimpseste est une figure de la succession des événements. En effet, l’événement peut être considéré comme faisant partie d’un enchainement par lequel il vient à l’existence en remplaçant un événement antérieur ; mécanisme qui fera qu’il sera à son tour supplanté par un événement ultérieur.
Tout événement qui apparait ne peut le faire qu’en chassant de l’actualité un événement antérieur.
Nuance : le palimpseste comme on l’a dit, est un traitement du parchemin qui régénère sa virginité (1). L’événement selon Chateaubriand est nécessaire à la fois pour faire disparaitre un événement antérieur et pour faire apparaitre le nouvel événement. Autrement dit dans l’actualité, jamais de page blanche. Mais il y a des événements dont le seul rôle est de renouveler la page, de la rafraichir comme on dit aujourd’hui. C’est cela faire le buzz.
Seulement, Chateaubriand constatait que ça marchait comme ça au XIXème siècle, bien avant que ne soient inventés l’Internet et les médias d’aujourd’hui.
Et donc, on peut dire que nos inventions récentes n’ont fait que perfectionner un système qui fonctionnait bien avant, que ce sont donc des inventions d’outils (comme on dit aujourd’hui) et pas de nouvelles manières d’être.
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(1) Dans son livre intitulé Sur la route du papier, Erik Orsenna raconte que l’un des premiers usages du papier en occident a été de servir à rédiger des actes officiels parce qu’on ne pouvait le gratter ni le lessiver sans le détériorer : sa fragilité le rendait infalsifiable.

Monday, May 14, 2012

Citation du 15 mai 2012


[A propos de la candidature de Jean-Luc Mélenchon à Hénin-Beaumont] : « Il n’y a pas de quoi en faire un phénomène. Politiquement, c’est un épiphénomène. »
Marine Le Pen en conférence de presse samedi 12 mai à Permignan.
Epiphénomène : quésaco ?
- Un épiphénomène désigne ce qui se surajoute à un phénomène sans exercer sur lui aucune influence. Autrement dit, c'est une manifestation pure, un aspect ou une apparence particulière d'un phénomène sous-jacent, et non une manifestation possédant une réalité indépendante capable d'exercer une rétroaction sur le phénomène qui lui a donné naissance. Exemple : le nombre maximum d'usagers simultanés d'un système informatique est un épiphénomène de ce système. [Article Epiphénomène (Wikipédia)]

Pour l’amoureux de la langue française que je suis, les campagnes électorales sont bien réconfortantes. C’est en effet l’occasion pour les mots vieillis, obsolètes (1), de revenir à l’existence.
D’un seul coup, l’épiphénomène est devenu un mot bizarre et rigolo, un de ces mots qui « murmurent entre les pages des vieux dictionnaires », et qui a, tout d’un coup, pris son envol sur les ailes des médias – et qui y restera le temps qu’on s’en lasse et qu’on passe à autre chose. Sic transit gloria mundi
Moi, ce qui m’intéresse, c’est plutôt le mécanisme qui est à l’origine de cette résurrection.
Les gens ordinaires ont dans la vie courante à leur disposition 2000 mots de français : épiphénomène, eux ils ne connaissaient probablement pas. Les autres, ceux qui en ont  10000, auront certes ce mot-là, mais ils en auront aussi une palanquée (2) d’autres et, qui parle d’épiphénomène, parlera en même temps d’essence de la conscience et de Gestalt-théorie.
Mais ici, il s’agit bien de ce qu’on nomme un « élément de langage », quelque chose qui, comme la « bravitude » de Ségolène, a été choisi pour son étrangeté, qui pourrait servir à faire du buzz.
Bon, ça ou autre chose me direz-vous, ça n’a guère d’importance. Sauf qu’il y a eu une évolution du vocabulaire lepennien pour qualifier le Mélenchon : on est passé de l’« illusion » (Monsieur Mélenchon n’est rien, il n’est qu’une illusion) à l’épiphénomène (Politiquement, c’est un épiphénomène). Et là, je dis que c’est un peu plus clair ; Marine Le Pen doit avoir dans son staff « quelqu’agrégé sachant écrire », comme on disait autrefois.
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(1) Le mot « obsolescence » est lui-même sorti de l’oubli lors d’une campagne publicitaire du Nouvel Observateur sur le thème : « Est-vous « Obs » ? », où le terme obs apparaissait comme abréviation de l’observateur et d’obsolète. Et ça a marché !
(2) Si la mode est aux mots rares et pittoresques, allons-y : je me lâche !

Sunday, May 13, 2012

Citation du 14 mai 2012

Le meilleur miroir ne reflète pas l’autre côté des choses.
Proverbe japonais

[J’emprunte cette illustration de Magritte à l’extraordinaire article-Blog de Wodka (sic ?) « Jeu de miroirs » : à ne pas manquer !]

Qu’est-ce qu’un miroir ? Réponse : un objet qui duplique l’apparence de la réalité. Comme tel on ne peut s’attendre à ce qu’il nous révèle la face cachée des choses – comme par exemple : à quoi nous ressemblons vu de dos. Et c’est si vrai que Magritte prend le contrepied de cette évidence pour créer de l’étrange dans le banalement quotidien.
Et donc la question n’est pas tant de savoir si le miroir reflète plutôt l’apparence ou plutôt la profondeur de choses, mais bien de savoir quel point de vue s’y retrouve. Dans ce Post consacré à Hokusai (et à Merleau-Ponty),  je soulignais que tel est le jeu des miroirs : faire varier le champ de notre perception en nous déplaçant à volonté selon l’endroit où auront été placés les autres miroirs.
C’est donc par erreur que le Proverbe cité aujourd’hui affirme qu’on ne peut trouver dans le miroir que ce qu’on connait déjà : n’importe qui sait bien que pour se coiffer l’arrière de la tête, il suffit d’avoir un second miroir, et le tableau de Magritte n’est paradoxal que parce qu’il n’y a qu’un seul miroir.
Mais si le proverbe japonais laisse entendre qu’il y a une face cachée des choses (un peu comme il y a une face cachée de la lune), c’est peut-être parce que quand même nous aurions plusieurs miroirs ou même des caméras vidéos, nous ne saurions nous voir comme les autres nous voient, c’est-à-dire comme si nous étions en dehors de nous-mêmes.
On dira que les vidéos (webcams entre autre) nous livrent notre image redressée, exactement comme si nous étions en face de nous-mêmes.
Mais quand je me vois ainsi (sur l’écran de mon ordi) j’ai l’impression d’avoir un étranger devant moi, quelqu’un qui n’est pas moi, et dont les gestes sont imprévisibles (1) – tant est dominante l’expérience de l’image inversée dans le miroir.
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(1) Exemple : prendre un objet qui est là, à ma droite : immanquablement en guidant mon geste sur l’image qui est devant moi, je pars vers ma gauche.

Saturday, May 12, 2012

Citation du 13 mai 2012


Quelle belle ceinture vous avez ! dit Alice d’un coup (…). Du moins, continua-t-elle après un moment de réflexion, c’est une belle cravate j’aurais dû dire… non, plutôt une belle ceinture…
Lewis Carroll – De l’autre côté du miroir, chapitre 6 - 1872 (1)

 
Quelle différence entre une cravate et une ceinture ? Telle est la question que  nous pose Lewis Carroll, et la réponse n’est peut-être pas aussi évidente qu’il y parait.
On pourrait m’accuser de « malmener les drosophiles » avec des questions idiotes. Mais ce serait oublier que le mathématicien Lewis Carroll a parsemé ses livres pour les enfants de petites questions qui seront reprises et développées dans la Logique sans peine, qu’il publia un peu plus tard (1887). En réalité, si ces questions flirtent avec le « nonsense » c’est simplement parce que la logique formelle ne se soucie pas des contenus « triviaux », et qu’elle n’hésite pas à heurter le bon sens.
Quelle différence entre une cravate et une ceinture ? On répondrait facilement que leur forme et leur matière permet de les distinguer sans hésitation.
Oui… Mais est-on bien sûr qu’ils soient différents au point de ne pouvoir permuter l’un avec l’autre, ainsi que le montre notre illustration ? Dès lors, c’est bien, la façon de les porter qui permet de reconnaitre si on a affaire à une cravate ou à une ceinture : la cravate a pour rôle de fermer le col de la chemise, et la ceinture de retenir le pantalon ou de serrer le manteau à la taille.
Et c’est là qu’Alice commet sa gaffe : hésitant entre les deux elle souligne que Humpty-Dumpty a le cou qui se confond avec sa taille. Ce qui n’est pas étonnant, puisque Humpty-Dumpty est en réalité un œuf – mais qui est vexant pour quelqu’un qui veut ne pas paraitre à ce point différent des autres.
Mais la vraie question posée par Lewis Carroll est la suivante : les critères que nous retenons pour définir les choses qui nous entourent sont-ils les seuls ? Sont-ils les bons ? Les créateurs (de mode ou de tout ce qu'on voudra) ne sont-ils pas justement des gens qui savent d’instinct faire ce que le logicien va faire avec méthode ?
Comme le montre notre illustration, on peut quand même dire que si notre créateur de la cravate-ceinture n’a pas médité le cas de Humpty-Dumpty, il en a eu l’intuition.
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(1) Qu’on peut lire en ligne ici (avec des choix de traduction exaspérant, comme Humpty-Dumpty « traduit » par : « le Gros Coco » - ça ne s’invente pas !)

Friday, May 11, 2012

Citation du 12 mai 2012

Une femme en soutien-gorge elle se hisse vers le ciel. Quand elle enlève son soutien-gorge elle retombe sur le sol comme un oiseau blessé.
Bertrand Blier – Existe en blanc (1998)


La clôture de soutien-gorge de Cardrona en Nouvelle-Zélande

C’est une histoire de soutien-gorge.
- Un jour une femme accrocha son soutien-gorge à la clôture d’un champ, sur le bord d’une petite route de Nouvelle-Zélande. Puis quelques autres firent de même, tant et si bien que de jours en jours la nouvelle s’ébruita et que des touristes toujours plus nombreux passèrent par là pour contempler la chose. Jusqu’au jour où le Conseil local décida de tout enlever : il y avait alors 1500 soutiens-gorge accrochés à ce qu’on appelait la Bra Fence.
--> Intrigué par cet épisode, je me suis reporté à mon Google habituel, dans l’espoir de comprendre pourquoi tant de femmes avaient trouvé utile de se débarrasser ainsi de leur soutien-gorge : j’ai constaté alors qu’il y avait de nombreux sites de militantes « anti-soutien-gorge ».
On a accusé le soutien-gorge de tous les maux : non seulement de brimer la liberté des femmes, mais encore d’être à l’origine de plein de sales maladies – dont le cancer du sein. Rien que ça ! (1)
A supposer qu’il ne faille pas prendre trop au sérieux cette menace, la question est bien : pourquoi tant de haine ?
Mais aussi, pourquoi tant de gens faisaient-ils le détour par la petite route de Cardrona pour voir tous ces soutifs pendus à la barrière ? Simple curiosité ? Goût pour la décoration ? Recherche d’un nouvel happening ? Fantasme érotique masculin (en supposant que ce soient plutôt les hommes qui faisaient le détour par Cardrona) ?
Sans doute, mais à l’origine, il y a eu quand même des femmes qui ont dégrafé leur soutien-gorge pour l’accrocher là, pour que tout le monde le voie, signifiant ainsi qu’elles voulaient se libérer de cette contrainte.
Oui, mais pourquoi ne les ont-elles pas remplacés, au fur et à mesure que le Conseil local les enlevait ? Ce que je crois, c’est que la mode qui voulait que la femme libre soit celle qui ne porte pas de soutien-gorge a changé depuis lors.
La question qui reste est  alors : qu’est-ce que les femmes d’aujourd’hui doivent enlever – ou mettre – pour montrer qu’elles sont libres ?
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 (1) On peut lire à ce propos le livre Dressed to kill, de Sydney Ross Singer and Soma Grismaijer – aujourd’hui bien discrédité, mais qui sait ? C’est peut-être un effet du lobbying des fabricants…

Thursday, May 10, 2012

Citation du 11 mai 2012



Ah! not in knowledge is happiness but in the acquisition of knowledge. [Ce n'est pas dans la connaissance qu'est le bonheur, mais dans l'acquisition de la connaissance.]
Edgar Allan Poe
Question :
- Plus j’apprends, plus j'en sais,
- Plus j'en sais, plus j'oublie,
- Plus j'oublie, moins j'en sais,
- Donc à quoi cela sert-il d'apprendre ?
Anonyme – A retrouver ici
A quoi cela sert-il d’apprendre ? Est-ce une source de bonheur, comme le pensait Edgar Poe ? Ou bien comme le suggère notre Anonyme s’agit-il plutôt d’une illusion ? A moins que ce soit pour une autre raison, telle qu’obtenir un pouvoir sur la  nature ou sur les hommes ?
Pour répondre à cette question, chacun ira où son expérience le mène. Pour ma part, je trouve un peu réducteur de faire du savoir quelque chose de si général et de si banal : illusion, bonheur… Il y a tant de façons différentes d’y accéder : bonheur du parfum des roses ; illusion des promesses amoureuses… Et puis qui nous garantit que la science soit une source de bonheur ? L’Ecclésiaste on le sait a dit tout le contraire : « Car avec beaucoup de sagesse on a beaucoup de chagrin, et celui qui augmente sa science augmente sa douleur. » Ecclésiaste - 1.18
C’est chez Descartes qu’on trouve une réponse un peu plus consistante. La science dit-il est la pâture de l’âme, c’est elle qui la fait prospérer, exactement comme les nourritures matérielles sont la pâture du corps. (1)
- Moyennant quoi, on dira que le bonheur trouvé dans l’acquisition d’un savoir est en réalité ce que Spinoza nomme la joie : un passage de notre être d’un de niveau perfection donné à un niveau plus grand. Ce qui fait qu’on ne saurait oublier un savoir une fois qu’il s’est intégré à nous, qu’il a contribué à nous constituer tel que nous sommes.
- Et donc, dire Plus j'en sais, plus j'oublie ne concerne que le savoir inadapté à l’homme qui l’acquiert. On peut tout apprendre, mais on ne peut tout retenir, parce qu’on ne retient justement que ce qui va nous servir.
La question n’est donc pas A quoi cela sert-il d’apprendre ? – mais plutôt de se demander : qu’est-ce qu’il est bon pour moi d’apprendre ?
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(1) Je vous laisse méditer la question suivante : si le savoir est comme une nourriture, risque-t-il aussi, comme elle, de donner du gras plutôt que du muscle ?

Wednesday, May 09, 2012

Citation du 10 mai 2012


Dans une langue que nous savons, nous avons substitué à l'opacité des sons la transparence des idées.
Marcel Proust – A l’ombre des jeunes filles en fleurs
Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, / Et les mots pour le dire arrivent aisément.
Boileau - Art Poétique (cité le 11 juillet 2006)
Le langage-médiation, simple message porteur de pensée qu’on peut jeter comme une lettre qu’on froisse après l’avoir lue ?
Quiconque a un tant soit peu lu Proust sait qu’il n’en est rien. Sinon, comment comprendre ses phrases qui font 20 lignes d’un seul tenant ? Ou alors ces parenthèses qui n’en finissent plus ? Ces périodes qu’on s’essouffle à lire à haute voix, au point qu’on se dit que Proust l’asthmatique devait être incapable de les faire « passer par son gueuloir » pour parler comme Flaubert…
La conclusion s’impose d’elle-même : c’est que l’œuvre littéraire, comme la poésie, est écrite dans une langue étrangère – une langue que nous ne connaissons pas et que nous devons apprendre en lisant. Pour comprendre « le Proust », ni dictionnaire, ni méthode Assimil, rien que la lecture : 50 pages de la Recherche sont bien nécessaires pour y arriver, mais c’est sans certitude – peut-être en faut-il plus.
Et ce qui est vrai de Proust l’est également de tout écrivain – voire même de tout philosophe (1).
--> Sauf que, comme on le voit, Boileau disait exactement le contraire.
Alors je ne reviens pas sur la critique que j’en faisais dans le Post cité plus haut ; je me contenterai de remarquer (comme l’aurait fait Mallarmé) que cet usage du langage ressemble fort à la lecture d’un horaire des chemins de fer. Tout se passe comme si la clarté en matière langage n’était que le reflet d’une lumière déjà perçue et décryptée ailleurs ou autrefois.
Parce que, si c’est comme ça, il faudrait dire qu’en littérature tous les mots sont des mots « fléchés ».
Ce qui est effectivement le cas avec les romans de Kiosque de gare, dont on sait à l’avance en les achetant ce qu’ils contiennent.
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(1) On devrait s’en offusquer, puisque la langue philosophique est censée porter en elle-même toute la clarté nécessaire. Mais qu’on se méfie : quand on passe d’un auteur à l’autre, les concepts ont bien la même allure, mais quand on leur ouvre l’estomac, on ne trouve pas toujours la même chose.

Tuesday, May 08, 2012

Citation du 9 mai 2012


Vieillir, c'est découvrir la transparence, brûler les frontières, fondre les limites, abattre les paravents... Y-a-t-il plus passionnant voyage que celui de la vie ? Jusqu'à la mort incluse ?
Maria Casarès – Résidence privilégiée
Il y a des citations qui ouvrent les yeux et qui les inondent d’une telle lumière qu’il devient ridicule de vouloir en rajouter.
Reste qu’on peut quand même expliquer pourquoi il nous a fallu cette lumière, pourquoi nous étions ainsi, plongés dans les ténèbres.
Je savais bien que les vieillards devenaient transparents : transparente leur peau sous laquelle on peut voir le réseau des veines et des artères ; transparents leurs yeux, décolorés d’avoir tant servi.  Transparents leurs cheveux blancs.
Bref : je croyais que cette transparence était due à une perte de substance, que s’il était possible voir à travers leurs vieux corps, c’est que leurs tissus s’amincissaient toujours plus, jusqu’au moment fatal du déchirement. 
Mais cette transparence périphérique (celle du corps) m’avait caché la transparence intérieure – celle de l’« âme » (terme que je n’emploie ici que pour signifier ce qui ne relève pas directement du physiologique).
Alors, on a dit beaucoup de bêtises sur l’amélioration progressive des êtres qui deviennent vieux – pêle-mêle : individualisation, libération des désirs charnels, expérience de la vie, spiritualisation, sérénité – que sais-je encore ?
Mais personne n’a dit, aussi clairement qu’ici, que la transparence était interne, qu’elle était transparence non pas de la personne, mais pour la personne qui découvre d’une seule portée la totalité de son être.
Voilà l’évidence : vieillir c’est cesser d’exister par petits morceaux, tel jour agité d’ambition, tel autre désireux de retrouver le giron de sa maman, tel encore prêt à dévorer son amant dans un  élan de passion fougueuse. (1)
Maria Casarès nous le dit : vieillir, c’est exister d’un bloc. Et ce n’est déjà pas si mal.
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(1) A ce sujet il faut absolument lire le texte de Virginia Woolf, cité en note ici.

Monday, May 07, 2012

Citation du 8 mai 2012


Cette fleur s'ouvre à peine aux baisers du zéphir : / Laissons-la jusqu'au soir déployer davantage  / Les trésors qu'elle cache en son sein fortuné.
Jean-Louis Aubert (dit : l'Abbé Aubert) – La rose (Fables)
- Jean-Louis Aubert… Mais dites-moi, c’était bien le chanteur du groupe Téléphone ? Il est fabuliste maintenant ?
- Mais qu’est-ce que vous avez appris à l’école ? Qu’est-ce que vous faisiez pendant la récitation ? Vous poursuiviez l’oiseau lyre ? Ou étiez-vous à mater sous les jupes de la maitresse ?
La Citation du jour est heureusement là pour faire un petit rattrapage : lisez ça.
Il faudrait lire cette fable – lien ci-dessus, il n’y en a pas pour très longtemps – et puis revenir au commentaire : on y parle de la rose – d’abord en bouton et puis flétrie.
S’agissant d’un poème galant, on se doute bien qu’on est dans le registre de la métaphore, et quand on sait à quels lieux du corps féminin renvoie l’image de la rose (images très coquines parfois), on pense qu’il s’agit d’un poème qui, comme celui de Ronsard, invite la demoiselle à céder aux instances pressantes de son amoureux.
Seulement voilà – après le début que nous avons déjà cité, vient à la fin cette morale :
Le soir vint, il fut étonné / De trouver la Rose flétrie. / Maint frelon étourdi, moins que lui délicat. / En avait passé son envie. / De leur reste il fallut, pour punir sa folie / Que le galant s'accommodât.
Et là on comprend qu’il ne s’agit pas d’inviter la jeune bergère à se laisser culbuter dans le foin mais bien à pousser le jeune berger à sauter sur l’« occasion » dès qu’elle se présente, sans quoi un quelconque frelon de passage lui ravira les prémices de la jeune fille.
C’est alors qu’on se dit que – quand même pour un abbé, c’est un peu curieux de pousser comme ça les jeunes gens au péché, surtout quand il ne s’agit pas d’en profiter pour soi-même.
Mais si on considère les dates de l’Abbé Aubert (1731-1814), on comprend mieux : au 18ème siècle bien des abbés débauchés ont sévi, et beaucoup en ont fait la propagande : ce n’est pas pour rien qu’on en trouve tant dans l’œuvre du marquis de Sade.
A cette époque, être abbé, c’était une façon de gagner sa vie ; façon qui laissait quand même du temps libre pour taquiner les boutons de roses…

Sunday, May 06, 2012

Citation du 7 mai 2012


Moins le poste que vous occupez sera élevé, plus votre absence sera remarquée.
Georges Courteline
Après l’expérience du vertige de la liberté (hier) voici une nouvelle expérience :

Expérience de contrition spirituelle.
Matériel : un journal donnant les résultats du scrutin d’hier ; quelques URL détournant les images de Nicolas Sarkozy (comme ici) ; une boite de Kleenex.
Procédure à suivre :
1 – Lire les titres du journal, et puis lisez attentivement la citation de Courteline ;
2 – A présent, lisez ce commentaire :
« Alors comme ça, vous croyez comme Courteline que Notre-Ex-Président, parce qu’il occupait le poste le plus élevé dans la hiérarchie des fonctions publiques, va être remplacé par un quidam sans qu’on s’en aperçoive, et sans qu’il nous manque ? »
3 – Instantanément vos larmes vont couler : 
– Quoi ? Notre-Président n’est plus Président ? Et c’est à cause de moi !
Dès maintenant vous ressentez qu’il vous manque – non pas parce que la France sera plus mal gouvernée (après tout, les Marchés quant à eux ne changent pas de cap), mais parce qu’il va falloir nous déshabituer de son show permanent.
4 – Regardez maintenant les photos d’un des sites signalé.
Par exemple cette photo prise le 1er mai au Trocadéro :

 On sait qu’elle a fait la joie de tous les Geeks, grands ou petits qui l’ont détournée de mille façons – comme par exemple ici :


5 – Conclusion : On ne l’a pas peut-être pas assez dit : un chef d’Etat, même impuissant à gouverner, doit être au moins capable d’apporter un peu de bonne humeur aux citoyens.
Vous auriez pu y penser avant de voter (prenez un nouveau Kleenex).

Saturday, May 05, 2012

Citation du 6 mai 2012


Nous, qui trouvons aujourd’hui toutes les voies libres, qui pensons que tout est à dire, [nous] sommes pris de vertiges, parfois, devant ces espaces vides qui s’étendent devant nous.
Sartre – M. François Mauriac et la liberté – Situations 1 (1947)
Sartre écrivait ces lignes où il assimile la liberté à l’expérience du vertige en 1947, époque où la contrainte de l’occupation allemande était encore dans toutes les mémoires. Nous qui n’avons plus – Dieux merci ! – ce genre de référence, nous avons encore une expérience de la liberté dans les moments démocratiques que constituent les élections.

Et si nous faisions une « expérience de philosophie quotidienne » (comme le propose Roger-Pol Droit) ?
Aujourd’hui : expérience du vertige de la liberté.
Matériel : un bureau de vote, un isoloir, une carte d’électeur.
Procédure à suivre : Vous vous munissez de deux bulletins de vote et vous pénétrez dans l’isoloir. Et là, avant de glisser l’un des deux bulletins dans l’enveloppe, vous vous dites : « Je suis libre, rien ne peut contraindre ma conduite, je peux mettre dans l’enveloppe le bulletin avec le nom de l’« autre ». Tant que je n’ai pas glissé mon enveloppe dans l’urne, tout reste possible. Tout dépend de moi seul. »
Si vous vous persuadez de l’absolue contingence de votre geste, que rien ne vous contraint, qu’aucun argument (ni aucun sondage) n’a le pouvoir de vous imposer un choix, que votre passé n’est pas non plus déterminant – et que pourtant de votre geste dépend l’avenir de votre pays – vous êtes saisi d’angoisse devant votre écrasante responsabilité, et de vertige devant l’absence de guide balisant votre chemin.
--> L’idée de cette expérience m’est venue en  entendant un électeur dire, lors d’un micro-trottoir, que sa décision de voter pour l’un ou pour l’autre des deux candidats ne serait prise que dans l’isoloir, que quelque chose le déterminerait alors – et seulement alors.
Certes, on se dit que si l’élection dépendait de pareilles situations, il vaudrait mieux tirer l’élu à pile ou face, ce serait plus vite fait.
Mais justement : nous sommes en réalité tous dans la situation de cet électeur :  bien sûr il se trompait en croyant que c’est l’isoloir qui allait lui souffler ce qu’il devait faire ; mais il est vrai que c’est dans l’isoloir qu’il était en situation de faire un choix et de le traduire en action. Et nous, même si nos décisions sont prises en amont du vote, même si nous suivons des arguments rationnels et décisifs – en réalité nous sommes comme lui entièrement responsables de notre choix, nous avons la possibilité de l’inverser – puisque nous sommes des citoyens libres. (1)
Je vous sens un peu angoissés – vous trouvez peut-être que ce n’est pas sympa de vous mettre dans un pareil état un dimanche ?
Allez, je vais vous réconforter : Sartre – toujours lui – nous dit : la liberté, c’est le pouvoir de changer un acte par d’autres actes.
Et donc ?
- Pensons aux législatives qui se profilent maintenant.
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(1) C’est d’ailleurs pour ça que nos Candidats ont mouillé leur chemise dans des meetings jusqu’à la dernière minute.

Friday, May 04, 2012

Citation du 5 mai 2012


Cela nous paraît extraordinaire aujourd’hui, mais le fait d’être plus cultivé que d’autres était considéré comme un bien en soi.
Claude Lelièvre – Interview Supplément Jeunes diplômés Libération 30 avril 2012
C’est un poncif, que les vieux sont aigris, qu’ils regrettent le temps de leur jeunesse et qu’ils pensent que l’Histoire a pris un bien dangereux virage…
Eh bien moi, en lisant cet article dont j’ai extrait cette citation, je me sens bien vieux.
Voilà pourquoi :
Il fut un temps où le métier et l’école n’allaient pas nécessairement de pair. Réussir à l’école et obtenir un emploi n’avaient – au 19ème siècle – rien de commun, au point que l’obtention du Certificat d’études n’était absolument pas requise pour trouver un travail (1). Les études ainsi que les diplômes avaient pour office de produire une personnalité cultivée, bien sûr selon des critères bien définis, et non pas un apprenti prêt à l’emploi.
Alors, certes, je n’ai pas connu cette époque. Pourtant on en trouvait encore la trace dans les années 1960, quand on faisait des études « supérieures » : les diplômés de l’université étaient certes favorisés pour obtenir un emploi, mais bien souvent une licence de n’importe quoi était un viatique suffisant pour arriver sur le marché du travail.  Alors on faisait des études de lettres, de philosophie, de science humaine, et puis on devenait – peut-être par malchance –  employé de banque. Mais au moins on avait un travail et on avait fait des études qui nous passionnaient.
Claude Lelièvre explique comment il se fait que les diplômes soient devenus strictement nécessaire pour l’emploi, et comment réciproquement ils finissent par n’exister que pour ça.
Et c’est là que je me sens bien vieux : quand les études ne servent qu’à « former » et non à éduquer – des travailleurs et non des hommes ; quand le terme d’humanités (au pluriel) ne signifie plus rien du tout…
… et quand les hommes sont devenus comme le dit Marcuse – unidimensionnels.
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(1) D’ailleurs, sans cela on ne comprendrait pas pourquoi le taux de réussite au Certificat était si faible : de 25 à 30% en 1900, pas plus de 50% avant la seconde guerre mondiale. On pourra lire l’intéressant article de Wikipédia ici.

Thursday, May 03, 2012

Citation du 4 mai 2012


Le Roi avait l’art de donner l’être à des riens.
Saint-Simon – Mémoires – Année 1702 (Anthologie, page 335)
Il faut lire tout le passage pour en saisir toute la force.
Il s’agit d’un rituel de la cours de Louis XIV (et c’est en effet, comme le dit Saint-Simon, une «bagatelle ») : le soir, un valet tient une chandelle qui éclaire le déplacement du roi de son fauteuil jusqu’à l’endroit où il se déshabille ;  il arrive alors que le roi appelle un de ses courtisans pour qu’il prenne le chandelier et l’accompagne à la place du valet. Cette distinction était considérée par l’élu comme « une faveur qui comptait, tant le roi avait l’art de donner l’être à des riens. »
On peut être dégouté de ce qu’on prendra pour une indigne obséquiosité, se disant que si le Roi l’avait décidé, le torcher après la chaise percée eut aussi été un honneur. Mais on passerait à côté de l’essentiel.
En effet, Saint-Simon le précise : à chaque fois le courtisan désigné est le plus distingué en dignité et en naissance ; il y avait donc une logique et du coup, remplacer le valet était une façon d’être honoré. Mais surtout, même quand le prince ou le duc ainsi désigné était au premier rang de la noblesse, on peut songer que lui aussi, était encore par rapport au roi un « rien » qui pouvait être rehaussé par le fait que celui-ci prononçât son nom pour qu’il l’accompagne en tenant la chandelle. C’est donc également dans cette mesure que « donner l’être à des riens » était un art.
Mais j’ai gardé le plus remarquable pour la fin : le roi est celui qui donne l’être – mais aussi bien sûr celui qui le retire. Que le courtisan déplaise, et le voilà qui reçoit une lettre lui enjoignant de se retirer dans ses terres et de ne réapparaitre à la cour que quand il y serait convié – c’est-à-dire probablement jamais.
Il s’agit bien sûr de l’existence sociale, mais elle est tout pour ceux qui ont suspendu leur existence à leur rang dans cette hiérarchie. Que vous ayez le droit de baiser la main d’une noble dame et non plus de baiser seulement le bas de sa robe, et voilà votre existence entièrement bouleversée – et on sait combien Saint-Simon s’est battu pour préserver cette hiérarchie des rangs et combien il a ressenti de douleur de la voir bafouée après la mort du Roi (1).
- Et nous ? Suspendons-nous notre existence sociale à des bagatelles ?
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(1) Et même avant, puisqu’au scandale du duc de Saint-Simon, le roi fit un arrêt désignant ses bâtards en second rang dans l’ordre de préséance, juste après les enfants légitimes – et donc devant les princes, ducs, pairs etc…

Wednesday, May 02, 2012

Citation du 3 mai 2012


Tous les sentiments guerriers viennent d’ambition, non de haine.
Alain
Commentaire I
Je relisais mes Posts mis en ligne depuis 6 ans et consacrés à l’ambition : 2 sur 3 étaient consacrés à Nicolas Sarkozy, tant il est vrai qu’il incarne aux yeux du public cette ambition qui fait dévorer les obstacles et se battre même quand on croit sa cause perdue (1).
Mais dans l’affrontement politique qui anime la vie publique en France en cette période d’élections (2), le plus ambitieux n’est-il pas celui qui sait le mieux cacher son ambition ?
Je dis ceci sans aucune volonté de faire un effet ou de surprendre. Il s’agit simplement de remarquer, comme le fait Alain, que l’ambition est ce qui anime tous les combats et surtout les plus acharnés.
Dès lors, comment les combats d’une campagne électorale pourraient-ils être livrés et gagnés sans une ambition totale et déterminée ? Et comment ne pas penser que ceux qui ne paraissent pas ambitieux, le sont tout autant que les autres et peut-être plus dans la mesure où ils la cachent pour mieux rallier à leur cause les électeurs qu’une pareille passion pourrait rendre méfiants ? On méditera cela  devant la « prétention » d’un candidat à être un « candidat normal ».
Commentaire II 
D’où vient la guerre ?
1 - De la volonté de faire régner la justice ? Du besoin de conquérir un espace vital indispensable ? Peut-être, mais de même que pour les actions altruistes, le soupçon d’un égoïsme caché reste toujours possible ; et donc, vouloir libérer un peuple qui gémit sous la férule d’un despote, ça ne s’imagine qu’à  condition que les sables de son désert soient gorgés de pétrole, ou encore que son territoire soit bien placé pour contrôler une frontière dangereuse.
2 – En fait, la guerre ne viendrait-elle pas plutôt de la haine ? Peut-être. Toutefois, la haine anime le combat c’est vrai, mais peut-elle animer la guerre ?
La guerre est un ensemble rationnellement organisés de combats, et elle a un but par rapport auquel la souffrance infligée à l’ennemi et sa destruction – objectifs de la haine –  ne sont que des moyens.
3 - Alors certes souvent les combattants se livrent à d’affreuses destructions par haine de leur ennemi, qui a mutilé et assassiné tous les membres de leur famille. Mais la haine du combattant n’est pas la guerre. Tout juste est-elle un moyen qu’utilise le chef qui lui, fait la guerre par ambition.
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(1) Ce que l’on croit à l’heure où j’écris ces lignes
(2) Elections au pluriel : n’oublions pas les législatives qui vont enchainer après les présidentielles.

Tuesday, May 01, 2012

Citation du 2 mai 2012


Je suis pour le partage des tâches ménagères. A la maison, par exemple, c'est moi qui passe l'aspirateur... à ma femme.
Philippe Geluck
La main qui, samedi, tient un balai est celle qui, dimanche, caresse le mieux.
Goethe – Faust

Ah !... Voici un monument (vu ici)  qui réactive le souvenir de cette citation de Goethe, qui nous avait fait bien rire il y a déjà… 3 ans ?! Rire qui s’est un peu étranglé depuis l’affaire du Sofitel New-York où DSK nous a rappellé que la femme de ménage pouvait susciter bien des fantasmes…
Trêve d’ironie je vous prie. Ce monument érigé aux femmes du Burkina-Faso est peut-être à prendre sérieusement – Respectons dans la femme ce qui fait son essence : le travail ménager. La femme qui manie le balai mérite un monument.
Là-dessus certains m’objecteront que la femme vertueuse peut se définir autrement que par ses talents de balayeuse :
- elle peut aussi faire des gâteaux délicieux, ou bien broder comme une fée. Elle peut même avoir comme les hommes des talents artistiques.
- Ou encore : on peut considérer sa valeur morale qui se manifeste par son dévouement, son abnégation de mère et d’épouse.
- Pour finir, elle peut être aussi une sainte, ou du moins une vierge qui dédie sa vie à Dieu.
- On peut même introduire une hiérarchie entre toutes ces qualités, et dire que le progrès de la civilisation se mesure à l’évolution qui va du balai au prie-Dieu.
Tout cela fait hurler les féministes de chez nous. Féministes qui disent que le véritable progrès est dans l’égalité avec les hommes – égalité dans le partage du pouvoir qu’il soit dans la famille, dans la vie politique ou encore dans la prise de décision en entreprise ; les marxistes après les utopistes du 19ème siècle ont écrit là-dessus des choses que je ne saurais résumer (1).
… Mais, bon. Admettons qu’on veuille imposer des valeurs aux femmes : après tout c’est là le lot commun avec les hommes dans certaines sociétés. Reste une horreur : c’est de penser que
- c’est à la femme d’incarner les valeurs ;
- c’est sur elle que repose l’honneur de la famille ;
-  que sans sa vertu, la famille entière – son père, son mari, ses frères et oncles… –  tous sont déshonorés.
--> C’est ça qui justifie tout du vitriolage des jeunes filles jusqu’aux crimes d’honneur.
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(1) On peut lire ceci entre autre.