Nous, qui trouvons
aujourd’hui toutes les voies libres, qui pensons que tout est à dire, [nous]
sommes pris de vertiges, parfois, devant ces espaces vides qui s’étendent
devant nous.
Sartre – M. François Mauriac et la liberté – Situations
1 (1947)
Sartre écrivait ces lignes où il
assimile la liberté à l’expérience du vertige en 1947, époque où la contrainte
de l’occupation allemande était encore dans toutes les mémoires. Nous qui
n’avons plus – Dieux merci ! – ce genre de référence, nous avons encore
une expérience de la liberté dans les moments démocratiques que constituent les
élections.
Et si nous faisions une « expérience de philosophie quotidienne » (comme le propose Roger-Pol Droit) ?
Aujourd’hui : expérience du vertige de
la liberté.
Matériel :
un bureau de vote, un isoloir, une carte d’électeur.
Procédure à suivre :
Vous vous munissez de deux bulletins de vote et vous pénétrez dans l’isoloir.
Et là, avant de glisser l’un des deux bulletins dans l’enveloppe, vous vous
dites : « Je suis libre, rien ne peut contraindre ma conduite, je
peux mettre dans l’enveloppe le bulletin avec le nom de l’« autre ».
Tant que je n’ai pas glissé mon enveloppe dans l’urne, tout reste possible.
Tout dépend de moi seul. »
Si vous vous persuadez de l’absolue contingence de votre
geste, que rien ne vous contraint, qu’aucun argument (ni aucun sondage) n’a le
pouvoir de vous imposer un choix, que votre passé n’est pas non plus
déterminant – et que pourtant de votre geste dépend l’avenir de votre pays –
vous êtes saisi d’angoisse devant votre écrasante responsabilité, et de vertige
devant l’absence de guide balisant votre chemin.
--> L’idée de cette expérience m’est venue en entendant un électeur dire, lors d’un
micro-trottoir, que sa décision de voter pour l’un ou pour l’autre des deux
candidats ne serait prise que dans l’isoloir, que quelque chose le déterminerait
alors – et seulement alors.
Certes, on se dit que si l’élection dépendait de
pareilles situations, il vaudrait mieux tirer l’élu à pile ou face, ce serait
plus vite fait.
Mais justement : nous sommes en réalité tous dans la
situation de cet électeur : bien sûr il se trompait en croyant que
c’est l’isoloir qui allait lui souffler ce qu’il devait faire ; mais il
est vrai que c’est dans l’isoloir qu’il était en situation de faire un choix et
de le traduire en action. Et nous, même si nos décisions sont prises en amont
du vote, même si nous suivons des arguments rationnels et décisifs – en réalité
nous sommes comme lui entièrement responsables de notre choix, nous avons la
possibilité de l’inverser – puisque nous sommes des citoyens libres. (1)
Je vous sens un peu angoissés – vous trouvez peut-être
que ce n’est pas sympa de vous mettre dans un pareil état un dimanche ?
Allez, je vais vous réconforter : Sartre – toujours
lui – nous dit : la liberté, c’est
le pouvoir de changer un acte par d’autres actes.
Et donc ?
- Pensons aux législatives qui se profilent maintenant.
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(1) C’est d’ailleurs pour ça que nos Candidats ont
mouillé leur chemise dans des meetings jusqu’à la dernière minute.
2 comments:
d'abord merci jean pierre d'être venue faire visite à la dame blonde, après mon bobo.
une jeune femme de mes fidèles lecteurs à aussi apprécié votre billet. oui ;,
et émouvant billet sur la liberté, sur la petite enveloppe sur l'urne , le choix l'acte
merci d'être là et de nous donnez un souffle, ce souffle et oui les législative...
je vous embrasse patriotiquement
Alors Champagne...
Je pense qu'il nous faudra gagner ailleurs. La crise a bon dos, mais nous sommes des Gaulois..
Jean-Pierre, expliquez-nous les GAULOIS.
F je vais écouter
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