Saturday, May 05, 2012

Citation du 6 mai 2012


Nous, qui trouvons aujourd’hui toutes les voies libres, qui pensons que tout est à dire, [nous] sommes pris de vertiges, parfois, devant ces espaces vides qui s’étendent devant nous.
Sartre – M. François Mauriac et la liberté – Situations 1 (1947)
Sartre écrivait ces lignes où il assimile la liberté à l’expérience du vertige en 1947, époque où la contrainte de l’occupation allemande était encore dans toutes les mémoires. Nous qui n’avons plus – Dieux merci ! – ce genre de référence, nous avons encore une expérience de la liberté dans les moments démocratiques que constituent les élections.

Et si nous faisions une « expérience de philosophie quotidienne » (comme le propose Roger-Pol Droit) ?
Aujourd’hui : expérience du vertige de la liberté.
Matériel : un bureau de vote, un isoloir, une carte d’électeur.
Procédure à suivre : Vous vous munissez de deux bulletins de vote et vous pénétrez dans l’isoloir. Et là, avant de glisser l’un des deux bulletins dans l’enveloppe, vous vous dites : « Je suis libre, rien ne peut contraindre ma conduite, je peux mettre dans l’enveloppe le bulletin avec le nom de l’« autre ». Tant que je n’ai pas glissé mon enveloppe dans l’urne, tout reste possible. Tout dépend de moi seul. »
Si vous vous persuadez de l’absolue contingence de votre geste, que rien ne vous contraint, qu’aucun argument (ni aucun sondage) n’a le pouvoir de vous imposer un choix, que votre passé n’est pas non plus déterminant – et que pourtant de votre geste dépend l’avenir de votre pays – vous êtes saisi d’angoisse devant votre écrasante responsabilité, et de vertige devant l’absence de guide balisant votre chemin.
--> L’idée de cette expérience m’est venue en  entendant un électeur dire, lors d’un micro-trottoir, que sa décision de voter pour l’un ou pour l’autre des deux candidats ne serait prise que dans l’isoloir, que quelque chose le déterminerait alors – et seulement alors.
Certes, on se dit que si l’élection dépendait de pareilles situations, il vaudrait mieux tirer l’élu à pile ou face, ce serait plus vite fait.
Mais justement : nous sommes en réalité tous dans la situation de cet électeur :  bien sûr il se trompait en croyant que c’est l’isoloir qui allait lui souffler ce qu’il devait faire ; mais il est vrai que c’est dans l’isoloir qu’il était en situation de faire un choix et de le traduire en action. Et nous, même si nos décisions sont prises en amont du vote, même si nous suivons des arguments rationnels et décisifs – en réalité nous sommes comme lui entièrement responsables de notre choix, nous avons la possibilité de l’inverser – puisque nous sommes des citoyens libres. (1)
Je vous sens un peu angoissés – vous trouvez peut-être que ce n’est pas sympa de vous mettre dans un pareil état un dimanche ?
Allez, je vais vous réconforter : Sartre – toujours lui – nous dit : la liberté, c’est le pouvoir de changer un acte par d’autres actes.
Et donc ?
- Pensons aux législatives qui se profilent maintenant.
--------------------------------
(1) C’est d’ailleurs pour ça que nos Candidats ont mouillé leur chemise dans des meetings jusqu’à la dernière minute.

2 comments:

FRANKIE PAIN said...

d'abord merci jean pierre d'être venue faire visite à la dame blonde, après mon bobo.
une jeune femme de mes fidèles lecteurs à aussi apprécié votre billet. oui ;,

et émouvant billet sur la liberté, sur la petite enveloppe sur l'urne , le choix l'acte
merci d'être là et de nous donnez un souffle, ce souffle et oui les législative...
je vous embrasse patriotiquement

Anonymous said...

Alors Champagne...

Je pense qu'il nous faudra gagner ailleurs. La crise a bon dos, mais nous sommes des Gaulois..

Jean-Pierre, expliquez-nous les GAULOIS.

F je vais écouter