Wednesday, May 09, 2012

Citation du 10 mai 2012


Dans une langue que nous savons, nous avons substitué à l'opacité des sons la transparence des idées.
Marcel Proust – A l’ombre des jeunes filles en fleurs
Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, / Et les mots pour le dire arrivent aisément.
Boileau - Art Poétique (cité le 11 juillet 2006)
Le langage-médiation, simple message porteur de pensée qu’on peut jeter comme une lettre qu’on froisse après l’avoir lue ?
Quiconque a un tant soit peu lu Proust sait qu’il n’en est rien. Sinon, comment comprendre ses phrases qui font 20 lignes d’un seul tenant ? Ou alors ces parenthèses qui n’en finissent plus ? Ces périodes qu’on s’essouffle à lire à haute voix, au point qu’on se dit que Proust l’asthmatique devait être incapable de les faire « passer par son gueuloir » pour parler comme Flaubert…
La conclusion s’impose d’elle-même : c’est que l’œuvre littéraire, comme la poésie, est écrite dans une langue étrangère – une langue que nous ne connaissons pas et que nous devons apprendre en lisant. Pour comprendre « le Proust », ni dictionnaire, ni méthode Assimil, rien que la lecture : 50 pages de la Recherche sont bien nécessaires pour y arriver, mais c’est sans certitude – peut-être en faut-il plus.
Et ce qui est vrai de Proust l’est également de tout écrivain – voire même de tout philosophe (1).
--> Sauf que, comme on le voit, Boileau disait exactement le contraire.
Alors je ne reviens pas sur la critique que j’en faisais dans le Post cité plus haut ; je me contenterai de remarquer (comme l’aurait fait Mallarmé) que cet usage du langage ressemble fort à la lecture d’un horaire des chemins de fer. Tout se passe comme si la clarté en matière langage n’était que le reflet d’une lumière déjà perçue et décryptée ailleurs ou autrefois.
Parce que, si c’est comme ça, il faudrait dire qu’en littérature tous les mots sont des mots « fléchés ».
Ce qui est effectivement le cas avec les romans de Kiosque de gare, dont on sait à l’avance en les achetant ce qu’ils contiennent.
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(1) On devrait s’en offusquer, puisque la langue philosophique est censée porter en elle-même toute la clarté nécessaire. Mais qu’on se méfie : quand on passe d’un auteur à l’autre, les concepts ont bien la même allure, mais quand on leur ouvre l’estomac, on ne trouve pas toujours la même chose.

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