Wednesday, May 16, 2012

Citation du 17 mai 2012


Chaque objet est le miroir de tous les autres.
Maurice Merleau-Ponty – Phénoménologie de la perception
… Et comme une même ville regardée de différents côtés paraît tout autre et est comme multipliée perspectivement, il arrive de même que par la multitude infinie des substances simples, il y a comme autant de différents univers qui ne sont pourtant que les perspectives d’un seul selon les différents points de vue de chaque monade.
Leibniz – Monadologie – Article 57
J’ai repêché cette citation de Merleau-Ponty que j’avais rappelée récemment, parce que je n’y rendais pas vraiment compte de la pensée du philosophe. Occasion de me racheter, même si on risque de mettre les pieds dans de la gross Metaphysik…
L’idée c’est que chaque réalité est un point de vue sur l’ensemble de ce qui existe : ce qui est relativement évident s’agissant des hommes. Par exemple, comme le dit Merleau-Ponty, ce paysage qui est devant nous, nous paraitra différent selon notre actualité, nos soucis, nos désirs. La montagne est escarpée de différente façon,  selon que je pense à l’escalader, ou que je remarque comment ses plans s’articulent pour un tableau que je cherche à peindre. 

Cézanne – La montagne Sainte-Victoire vue de Lauves
Seulement, voilà : il s’agit de faire le même constat pour chaque objet qui du coup est supposé être la source d’un point de vue sur le monde : un peu comme les monades de Leibniz, chaque objet pour Merleau-Ponty forme un système relié à sa façon à tout le reste, et si nous l’oublions facilement c’est que nous croyons qu’il n’y a qu’un seul point de vue : le nôtre.
Les Chrétiens (ceux d’autrefois du moins) pensaient que tout dans la nature était l’expression de la volonté divine et devait s’interpréter de ce point de vue. Les « Indiens » d’Amérique, eux, considéraient tout ce qui existe comme l’expression d’une intention de la nature qu’il s’agissait de ne surtout pas déranger ; Leibniz comme on vient de le voir croyait que chaque objet constituait un foyer de perspective sur tout le reste. C’est plus compliqué, certes – mais c’est aussi un peu plus excitant.
Qui donc a gâché cette joyeuse poésie du réel ?
Selon Heidegger, c’est la technique pour la quel il n’y a qu’un point de vue : le nôtre, pour lequel la nature n’est qu’un stock de ressources à gérer.
C’est ce qu’il appelle « l’oubli de l’être ».
Quand je vous disais qu’on allait mettre les pieds dans de la gross Metaphysik…
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N.B. On peut contester l’emploi de la langue allemande pour évoquer la métaphysique.
Je me bornerai à rappeler cette citation que je commentai (ici) il y a trois ans :
« La philo n'est pas mal non plus. Malheureusement, elle est comme la Russie : pleine de marécages et souvent envahie par les Allemands. » (Roger Nimier – Le Hussard bleu (1950))

2 comments:

Anonymous said...

Je fais le lien-étrangement- avec ce que me racontait un gendarme au sujet des témoignages, lors d'un accident... Des témoins sincères, mais qui n'ont pas tous vu la même chose

La montagne Sainte-Victoire a été peinte tant de fois par Cézanne et tant de fois différemment !

Bonne soirée :-)

F'(SIDLEV)

Jean-Pierre Hamel said...

Les témoignages sont en effet très révélateurs et on parle à leur propos de fragilité, ce qui est sans doute trompeur puisque ce sont en réalité des effets de notre rapport très ordinaire et habituel à notre milieu.