Monday, November 08, 2010

Citation du 9 novembre 2010

Il ne faut pas dire toute la vérité, mais il ne faut dire que la vérité.

Jules Renard – Journal 1 décembre 1899

- Comme toujours, ce genre de citation aux allures de sujet de dissertation pour potaches laisse plutôt indifférent : on y voit une dénonciation du mensonge ; ou alors une tolérance de la rétention de vérité – et à la clé, un débat à avoir entre les deux. La barbe !

- On peut certes y trouver aussi une invitation à revenir sur les apports de la psychanalyse qui révèle l’existence de vérités enfouies dans notre inconscient et qui ne peuvent se dire que sous des formes symboliques… Auquel cas il ne s’agirait peut-être pas de rétention consciente de vérité, mais d’impossibilité à la dire parce qu’il nous serait impossible de la saisir. Ce n’est peut-être pas passionnant pour tout le monde, mais c’est déjà un peu plus excitant.

- Reste quand même qu’à partir de là se présente une troisième possibilité qui prendrait d’avantage la forme d’un problème que d’une solution : peut-on prétendre connaître la vérité quand on ne sait pas toute la vérité ?

On aura reconnu la problématique pascalienne des deux infinis : l’homme est incapable de connaitre quoi que ce soit, car il ne voit qu’une partie infime des choses – celles qui sont proportionnées à ses capacités. Nous sommes un peu comme le fou qui a perdu ses clefs et qui les cherche sous un réverbère :

- Es-tu sûr de les avoir perdues ici ? lui demande-t-on.

- Non – répond-il – mais il n’y a que là qu’on y voit clair !

Et nous, savons-nous si ce qui nous échappe (tout ce qui se passe aux confins de l’univers, dans le cœur intime de la matière, ou dans les replis secrets du cortex – ou de la conscience) ne risque pas de remettre en cause toutes nos certitudes ?

Et il ne suffira pas de dire qu’il y a tellement de choses à découvrir qu’en cherchant, même au hasard, nous trouverons bien quelque chose, comme le Dieu Pan qui, parti à la chasse, trouve par hasard, à la place d’un cerf, une Nymphe en train de sa baigner nue dans la rivière. Parce que c’est de la façon dont ces vérités fragmentaires s’emmanchent les unes dans les autres pour former une connaissance complète, que dépend réellement la vérité authentique.

… Attendez, s’il vous plaît. Moi, s’il s’agit d’aller à la chasse aux vérités comme le Dieu Pan, alors je veux bien emmancher les vérités même incomplètes.

4 comments:

Anonymous said...

Bonjour,

Je ne sais pas, si en écrivant cela, Jules Renard prétendait à philosopher. Je peux me tromper.

C’est toujours intéressant d’avoir des interprétations, que nous interprétons à notre tour ! C’est une façon pour moi de dire que j’apprécie vos commentaires.

Suis-je d’accord ? Pas forcément .Déjà, je suis une femme, c’est déjà un point de « rupture » …

Jean-Pierre Hamel said...

Je ne sais pas non plus si Jules Renard prétendait philosopher. Il voulait surtout "moraliser", c'est bien dans le genre du Journal.
Interpréter (et donc contester) les interprétations, c'est en effet ce qu'on peut faire de mieux, et pas seulement avec les posts de ce Blog!
Quant à savoir si mes messages sont assez "virils" (?) pour que le fait d'être une femme induise une lecture de rupture, je ne sais s'il faut que je m'en estime flatté ?
En tout cas, n'hésitez pas à publier ici vos observations.

Anonymous said...

J’ai exagéré en parlant de « rupture ». Les écrits ont un sexe. Les pensées écrites par l’un ou l’autre, ne s’expriment pas de la même manière, même si elles se rejoignent. Pas question de mettre en doute la virilité.

Une question : Y a-t-il des femmes philosophes ? J’ai d’autres questions…

Concernant les interprétations et non seulement sur votre Blog, je suis d’accord avec vous. On écrit toujours à ou pour quelqu’un- même parfois, à soi- .

Sur le Marianne de cette semaine, dans la rubrique Culture-Idées, je vois que l’on propose dans « essai » un livre de Simon Critchley : Les philosophes meurent aussi.

Bonne journée

Jean-Pierre Hamel said...

- Y a-t-il des femmes philosophes ?
= Poser la question c’est dire que le doute plane… C’est qu’en fait les femmes philosophes sont aujourd’hui encore plus des universitaires spécialistes de tel ou tel système philosophique (mais il y a aussi des femmes comme Myriam Revaut d’Allones). Les femmes ont selon moi émergé en philosophie par les hommes : elles ont été les interlocutrices/maîtresses des philosophes dans les salons qu’elles animaient (principalement au 18ème siècle)
Je reste toutefois persuadé que la question ne se pose qu’à propos de la philosophie et non des philosophes : je veux dire que comme bon nombre de psy je crois qu’en chaque homme il y a une part féminine et réciproquement.
En sorte que la question serait plutôt : y a-t-il une philosophie féminine et une philosophie masculine ? (Mais à part Nietzsche qui donc a posé la question ?)
- un livre de Simon Critchley : Les philosophes meurent aussi
= Je ne l’ai pas lu, mais j’en ai entendu parler. L’auteur recense les récits de la morts des philosophes (empoisonnés par de la cigüe, étranglé par un os de poulet, etc…) ; je suppose qu’il en tire des conclusions sur le rapport entre leur système philosophique et leur mort.
Un peu comme le célèbre Botul à propos de « la vie sexuelle de Kant ».