Ainsi Echo, ainsi d'autres nymphes, nées dans les ondes ou les montagnes, avaient été déçues par Narcisse, ainsi avant elles nombre de jeunes hommes. Alors, une des victimes de ses dédains, levant les mains au ciel, s'était écriée : « Qu'il aime donc de même à son tour et de même ne puisse posséder l'objet de son amour ! »
Ovide – Métamorphoses, livre III
Si je baise, ô Bouche, / La Nappe de l’Onde / Mon souffle effarouche / La face du monde… / Le moindre soupir / Que j’exhalerais / Me viendrait ravir / Ce que j’adorais / Sur l’eau bleue et blonde
Paul Valéry – Cantate du Narcisse
Reflet 2 –
Après l’irréalité du reflet, examinée hier, voici aujourd’hui une autre de ses caractéristiques : il est insaisissable. C’est la malédiction de Narcisse qui ne peut étreindre son image, parce qu’il trouble alors la surface de la fontaine qui lui sert de miroir.
Pour en avoir une idée, le plus simple est d’observer cette image de Betty Boop qui a le mérite d’être animée. Le reflet est bien là, mais mouvant, déchiré et illisible. Il est vrai que ça n’a pas l’air de troubler plus que ça notre pin-up.
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Source : dauphine85.centerblog.net sur centerblog.
Betty Boop en effet se désintéresse de son reflet parce qu’en réalité elle pose pour qu’on l’admire. Voyez-là sur sa serviette de bain : elle est sans doute sur une plage célèbre, à Saint-Tropez ou ailleurs, et son regard inquisiteur est à l’affut des regards admiratifs sur sa beauté.
C’est donc le regard des autres qui sera le reflet où elle cherche à se mirer, et non celui de cette flaque d’eau agitée.
C’est que le reflet peut fort bien se trouver dans deux circonstances différentes : soit il se trouve dans la nature, et donc il me fait face, comme le miroir de la fontaine de Narcisse. Soit il existe dans le regard des autres, et pour quelqu’un de narcissique, on pourrait croire que l’admiration des autres est une satisfaction toute aussi grande que celle que celle qu’il peut s’apporter à lui-même.
Il y a en effet, à côté du narcissisme « pur », celui qui se contente de sa propre admiration, un narcissisme qui revendique en plus l’admiration des autres.
3 comments:
Bonsoir,
Toujours des interrogations intéressantes. J’ai l’ai lue ce matin et votre réflexion m’a trottée dans la tête.
Je pensais à une expression très mode nommée : « l’estime de soi ».
Ce qui me semble relatif à l'éducation, à la manière dont nous ont considéré nos parents.
Selon vous, y a-t-il un rapprochement à faire ? Ou me suis-je fourvoyée ?
F.C
« l’estime de soi » ... "me semble relatif à l'éducation, à la manière dont nous ont considéré nos parents."
On peut dire en effet que l’amour des parents pour leur enfant est déterminant pour l’estime que celui-ci se portera ensuite. En effet, s’estimer soi-même suppose qu’on soit juge de soi-même, donc qu’on tienne les deux rôles, celui du juge et celui du jugé.
--> Freud a considéré que cette dualité juge/jugé relevait d’une structure de la personnalité mise en place très tôt dans la vie : il s’agit du _sur-moi_, intériorisation de l’autorité parentale qui apporte à la fois les idéaux de l’éducation et le jugement sur les actes qui en découle. On pourrait donc dire que l’amour des parents pour leur enfant, en lui permettant d’intérioriser une image bienveillante et positive de lui-même, le conduit à « s’estimer lui-même » (en fait pour Freud, ça ne marche pas comme ça… mais il n’a pas forcément raison).
--> Kant de son côté pensait que l’estime de soi n’était pas nécessairement d’ordre psychologique mais pouvait relever aussi d’une évaluation rationnelle, comme lors d’un examen de conscience.
C’est à ce titre qu’il l’intègre dans sa morale sous le label « estime _raisonnable_ de soi ».
reflet pêché par le Net
http://www.youtube.com/watch?v=AevBIR5bVSc
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