Tuesday, December 26, 2006

Citation du 27 décembre 2006

Rien ne devrait recevoir un nom, de peur que ce nom même ne le transforme.

Virginia Woolf - Les Vagues

La phrase de Virginia Woolf change radicalement de sens selon qu’on s’intéresse au nom propre ou au nom commun. Je choisirai de parler ici du nom propre, ou plutôt du prénom.

Le soin avec le quel les parents choisissent le prénom de leur enfant fait parfois sourire ; après tout, se dit-on, l’enfant devenu une personne dominera son nom, c’est lui qui lui donnera un sens et non l’inverse. Stupidité des livres qui analysent la personnalité des Christian, des Christelle, des Thomas…

Toutefois… Imaginez que Ségolène Royal se prénomme en fait Mauricette. Vous lisez donc ceci dans votre journal : « Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn se sont ralliés à Mauricette » (1). Ça ne passe pas. Je ne vais pas jusqu’à dire que la bourgeoisie choisit les prénoms de ses enfants en fonction de leur position dans la société. Mais plutôt que les noms – et les prénoms – sont des marqueurs sociaux, qu’ils sont indicatifs de la classe sociale, tout comme ils le sont de l’époque historique.

Quoique… Pourquoi, si se prénommer Ségolène c’est une chance dans la vie, pourquoi il n’y en a pas plein partout ? Pourquoi les copains de vos enfants ont des prénoms à coucher dehors ? Pourquoi votre copine Julie vient-elle d’accoucher d’une petite Amaïa ? En réalité, les familles ne donnent à leur enfants que des prénoms qui échappent au marquage social.

La famille Lambda, qui vient de mettre au monde un enfant lambda, veut qu’il échappe à cet anonymat. Va-t-elle lui donner le prénom du grand oncle ? Surtout pas. Celui du président de la République ? Ridicule. On ne va même pas lui donner le prénom du président-directeur général de Vivendi-Universal. Non : on va lui chercher un nom que personne n’a jamais porté sauf un obscur saint Breton ou Basque. Tout sa passe comme si il fallait que ce nom ne corresponde à rien ni à personne, qu’il soit tout neuf.

Un prénom c’est comme une fringue : quand il a déjà été porté par quelqu’un d’autre, il perd toute valeur.

(1) Que les Mauricette ne se vexent pas ; j’aime beaucoup les Mauricette

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