Monday, December 15, 2008

Citation du 16 décembre 2008


Est-ce ainsi que les hommes vivent

Et leurs baisers au loin les suivent

Comme des soleils révolus

Louis Aragon – Bierstube Magie allemande (Le Roman inachevé)

Est-ce ainsi que les hommes vivent

Adaptation de Léo Ferré.

Vous trouverez ici le texte de Léo Ferré et celui d’Aragon à fin de comparaison. Et ici l’interprétation de la chanson par Marc Ogeret

Entre l’adaptation de Léo Ferré – Est-ce ainsi que les hommes vivent – et la poésie originale - Bierstube Magie allemande – quelques coupures, quelques interpolations, et puis quoi d’autre ?

Regretterons-nous les soleils révolus qui passent à la trappe dans le refrain de la chanson ? Et le découpage en couplets/refrains, qui fabriquent la chanson, qui structurent une histoire, regretterons-nous son introduction dans un poème où pas un seul signe de ponctuation n’apparaît ?

Non, bien sûr, il n’y a pas de chanson sans cela. Mais ça ne nous dispense pas de retrouver le poème d’Aragon, avec son défilé de souvenirs qui s’enchaînent doucement, sans articulation ni ruptures. Car l’absence de points et de virgules n’est pas une coquetterie d’écrivain ; c’est ce qui traduit une réalité de la mémoire : les souvenirs les plus divers, venant des époques les plus différentes s’y côtoient, se recouvrent selon leur logique propre, sans que rien ne le signale ni que rien ne s’y oppose.

Relisons ce poème : sa lumière vient de loin, d’Allemagne, d’un passé de débauche (si on veut), en tout cas de violence et de guerre…

Oui, mais c’est aussi une lumière qui éclaire. Qui éclaire un présent fait d’abandon et peut-être d’impuissance – en tout cas un présent où on ne confond plus hélas, le cri des oies sauvages entendu par la fenêtre d’un bordel avec un poème de Rainer Maria Rilke.

Voilà, j’ai trouvé ce qui me gêne dans l’adaptation de Léo Ferré : il a interverti les deux dernières strophes du poème.

Mais cessons ces pinailleries : je trouve sur le site de recherche consacré à Aragon et Elsa Triolet ce témoignage d’un étudiant qui découvre Aragon (1) :

« …un an plus tard. Jacqueline Dang Tran a mis au programme de Licence, à l’Université de Rennes II, un texte [de Louis Aragon] dont j’ignore absolument tout : La Mise à mort...Je tombe du canapé où j’ai commencé la lecture du Folio, celui à couverture de Narcisse, sans avoir le temps de maudire ceux qui ne m’ont pas dit qu’il fallait tout arrêter pour lire cela. »

Oui, c’est bien ça : il faut tout arrêter pour lire cela.


(1) Lui aussi s’étonne de l’adaptation chantée : « j’ai entendu Montand...puis Ferré. Le poème démonté, les strophes remontées, je ne reconnaissais plus mon Biiierstuuuube magie allemaaande… »

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