L'absurde ne délivre pas, il lie. Il n'autorise pas tous les actes. Tout est permis ne signifie pas que rien n'est défendu. L'absurde rend seulement leur équivalence aux conséquences de ses actes. Il ne recommande pas le crime, ce serait puéril, mais il restitue au remords son inutilité. De même, si toutes les expériences sont indifférentes, celle du devoir est aussi légitime qu'une autre. On peut être vertueux par caprice.
Albert Camus – Le Mythe de Sisyphe
[L’absurde] ne recommande pas le crime, … mais il restitue au remords son inutilité.
Bien entendu, dire que l’absurde ne recommande pas le crime signifie que les raisons pour les quelles je le commettrais sont toutes également insignifiantes. A quoi bon tuer un homme ?
On a beaucoup parlé du désespoir de l’homme absurde, désespoir dû au manque de signifiance du monde et de lui-même. On a dit que les époques qui cultivent ce sentiment sont propices au suicide.
En fait on a eu tort ; car, si l’on en croit Camus, faute de valeurs, il nous reste le caprice. A condition de ne pas viser plus haut, la vie ne manque pas d’intérêt, puisque tout peut être fait par caprice, dès lors que les valeurs et leur cortège d’interdits et d’obligations se trouvent évaporées.
Je veux copuler sans frein ? Caprice.
Je tiens absolument à arriver à l’abstinence sexuelle absolue ? Caprice.
Je prie Dieu cinq fois par jour ? Caprice.
Je crache à la face de l’Eternel ? Caprice….
La question qui reste est alors : vivons-nous une époque absurde – entendez, un époque qui cultive le caprice et renvoie la signifiance aux orties sur le bord du chemin ?
Si on en croit Camus, puisque l’absurde se définit par l’insignifiance, alors le plaisir devient le seul moteur de nos actions. Je veux dire : c’est le plaisir qui est le moteur, mais pas la recherche du plaisir au nom d’une conception épicurienne ou autre.
Et qui donc aujourd’hui, demande un supplément d’âme pour justifier la recherche du plaisir ?
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