Monday, December 29, 2008

Citation du 30 décembre 2008


Les loix de la conscience, que nous disons naistre de nature, naissent de la coustume ; chacun ayant en veneration interne les opinions et moeurs approuvées et receuës autour de luy, ne s'en peut desprendre sans remors, ny s'y appliquer sans applaudissement.

Montaigne – Essais livre I chap.XXIII

L'Assemblée Générale | des Nations-Unies] proclame la présente Déclaration universelle des droits de l'homme comme l'idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations…

Préambule de la Déclaration universelle des droits de l'homme

Discutez avec des Chinois, vous verrez qu’à propos des Droits de l’homme ils ne sont pas loin de Montaigne : ils nous trouvent très arrogants de vouloir leur imposer ce qui selon eux n’est justifié que par notre histoire nationale.

Ce que dit Montaigne, c’est que les lois de la conscience (autrement dit, les lois morales) ne sont que des déguisements de la coutume. Désobéir à cette coutume, ça pourrait n’être que quelque chose d’imprudent (1) ; en fait c’est ressenti comme une faute morale, source de remords ou d’applaudissements.

Si les lois de la conscience ne dépendent que de la coutume, alors elles ont une histoire, et peut-être bien que celles que nous admettons aujourd’hui ne seront plus demain. En tout cas nous ne pouvons reprocher à ceux qui les refusent d’être non pas inhumains, mais simplement retardataires.

Or, c’est précisément ce que nous n’admettons pas concernant les Droits de l’Homme, que l’on considère comme un idéal prescrit à l’humanité. Le Préambule cité, et que l’on peut consulter ici, dit même comment il faut s’y prendre pour le faire reconnaître, par la loi et par l’éducation.

Pour être humain, il faut donc reconnaître les Droits de l’homme comme l’horizon de toute humanité.

Qu’est-ce à dire ? L’idéal, chacun l’admettra, n’existe pas autrement que comme visée. Pourquoi faudrait-il avoir une visée ? Ne serions-nous pleinement humain qu’à condition de chercher autre chose que ce que nous avons ?

C’est là que nous retrouvons Montaigne : et si cette quête de l’idéal n’était lui-même qu’une coutume et non pas une loi de notre nature ?

On aime à répéter après Nietzsche : l’homme est quelque chose qui doit être dépassé.

Mais combien de milliers – voire même de millions – d’années se sont-elles écoulées pendant les quelles l’innovation même au nom d’un idéal a été considéré comme un crime ?

Combien de temps n’a-t-on pas considéré le respect de l’autorité cruelle et tyrannique d’un seul comme une loi divine ?

… Maintenant, vous avez le droit de préférer Nietzsche à Montaigne : c’est plus héroïque.


(1) Et Descartes ne dit pas autre chose dans sa célèbre « morale par provision » (Discours de la méthode, 3ème partie)

No comments: