Le principe moral que dire la vérité est un devoir, s'il était pris de manière absolue et isolée, rendrait toute société impossible…
Benjamin Constant, Des réactions politiques, (Revue La France – 1797, sixième cahier, no 1 p, 123)
En fait tout homme a non seulement un droit, mais c'est même son devoir le plus strict de se montrer véridique dans les déclarations qu'il ne peut éluder, lors même que cette vérité nuit, à lui-même ou à autrui.
Kant – Sur un prétendu droit de mentir par humanité.
C’est ainsi que Kant répond à l’observation de Benjamin Constant dans son célèbre opuscule : Sur un prétendu droit de mentir par humanité. (à lire ici)
Pour lui, mentir par bonté d’âme est une injustice envers autrui. La véritable « victime » du mensonge, c’est l’humanité en général, dont chacun – y compris donc celui à qui on ment - est porteur et garant.
Dans l’exemple discuté avec Benjamin Constant, un homme qui héberge un fugitif est confronté à ses poursuivants, tous armés et de fort mauvaise intention, qui lui demandent si celui qu’ils recherchent est dans sa maison. L’homme interrogé n’a pas le droit de mentir en prétendant que le fuyard est parti dans une autre direction. Il a le devoir de dire la vérité lorsque cet aveu ne peut être éludé – même si son devoir est aussi de se faire tuer sur le seuil de sa porte pour en défendre l’accès.
Pour Kant, mentir est une injustice – dont on est responsable – alors que nuire en disant la vérité n’est qu’un accident – dont nous ne sommes nullement responsables.
--> Le débat sur ce point ne devait pas être clôt par ce texte, puisque aujourd’hui encore on en est à se demander s’il faut dire la vérité au malade considéré comme condamné à une mort prochaine par la médecine, et les opinions les plus contrastées s’opposent sans jamais faire triompher une certitude argumentée.
Les médecins ont je crois une position assez valable, qui reprend en tout cas la thèse de Kant. Car, Kant ne dit pas : « Nous devons toujours dire la vérité lorsque nous la connaissons » ; il dit « nous devons dire la vérité à chaque fois qu’on ne peut l’éluder, c'est-à-dire au moins quand on nous la demande. ».
Si vous avez un doute sur l’issue de votre maladie, le médecin ne vous dira peut-être ce qu’il en est que si vous lui demandez. Maintenant, si vous lui posez la question, et si il vous ment sciemment malgré tout, changez de médecin dès que vous le saurez.
Reste que, si on a le devoir de dire la vérité à qui nous la demande, on n’a pas toujours celui de la savoir.
Un peu comme la femme qui dit : « Que mon mari me trompe tant qu’il voudra à condition que je ne le sache pas. »
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