Citation du 3 décembre 2008

Le thème du jour : un tabou peut en cacher un autre.

A quoi de mieux peut servir une femme qu'à accueillir au plus chaud d'elle-même un ancien bébé qui a un peu froid ?

Geneviève Dormann

…au plus chaud d'elle-même : qu’est-ce quelle veut dire, Geneviève Dormann ?

Laissez tomber les interprétations scabreuses, ce n’est pas le genre de la maison. En tout cas, ce n’est pas ce tabou-là qu’on va dénicher.(1)

Par contre ce qui est limpide et tout à fait présentable, c’est de dire que le rôle d’une femme c’est de réchauffer un ancien bébé… sur son sein : c'est chaud et c'est correct.

Or, voyez-vous même si c’est présentable, c’est en même temps un peu délicat, dès qu’on y pense un peu. Car si la valeur érotique du sein est facile à évoquer, sa fonction biologique est plus délicate, dès lors qu’il s’agit d’un « ancien bébé ».

Allez, pas la peine de tourner autour du pot (?) : voyez ce tableau de Charles Melin (1597-1649) exposé au Louvre.

Il s’agit de l’allégorie de la charité, montrant un vieil homme tétant une jeune femme. C’est fondé, nous dit la notice du Musée, sur cette anecdote racontée par Valère Maxime : Cimon condamné à mourir de faim en prison, fut nourri par sa fille Pero qui l’allaitait en le visitant chaque jour.

Voilà quelque chose de bien édifiant, et en même temps de très choquant. Car même si on admet sans peine qu’allaiter un enfant soit l’image de la charité (2), s’agissant du nourrisson privé de mère et recueilli par une généreuse nourrice, on a plus de mal à imaginer la scène entre une fille et son père.

Et voilà : quand on parle de la Femme, on peut fuir un tabou, on tombe de suite sur un autre.

(1) De toute façon là, s’il s’agit d’évoquer le sexe féminin comme lieu de la procréation et de l’enfantement, on a déjà donné avec Musset. Mais, si, rappelez-vous : c’était le 21 novembre. Ça ne fait pas si longtemps…

(2) Le Louvre nous offre d’ailleurs généreusement une autre représentation allégorique de la charité, avec ce tableau de Jacques Blanchard (en 1633), qui représente les œuvres charitables en faveur des enfants trouvés. C’est moins choquant mais la notice du Musée précise que ces représentations étaient quand même prétexte à montrer des femmes aux seins épanouis… En plein 17^ème siècle : à qui faire confiance ?