Monday, February 22, 2010

Citation du 23 février 2010

Un plaisir qu’on se procure soi-même (s’il n’est pas contraire aux lois) est deux fois éprouvé : d’abord parce qu’on l’a acquis, ensuite parce qu’on l’a mérité.

[Ainsi] l’argent qu’on a gagné par le travail fait plaisir, au moins d’une façon plus durable que celui qu’on a gagné au jeu…

Kant – Anthropologie du point de vue pragmatique (p.99)

Les français n’arrêtent pas répéter le slogan sarozyste « Il faut travailler plus pour gagner plus ».

Ce qui pose la double question suivante : pourquoi il est important

1 – De gagner plus ;

2 – De gagner plus en travaillant plus.

Sur la première question, nombreux sont ceux qui se sont évertués à démonter que l’argent ne suffit pas à bien vivre, qu’il vaut mieux faire des économies de travail que devenir riche, etc…

Mais très peu se sont interrogés sur la seconde question. On peut pour cela se tourner vers Kant et Max Weber.

La thèse de Kant d’abord : l’argent qu’on a gagné par le travail fait plaisir, au moins d’une façon plus durable que celui qu’on a gagné au jeu.

– Supposez que vous gagniez au Loto : vous voilà en vacances perpétuelles, et heureux de l’être. Ou mais vous ne pouvez pas être fier de cela, parce que l’argent n’est pas seulement un moyen économique, mais en étant la contrepartie de votre travail il est aussi la preuve de votre mérite, ce qui bien sûr n'est pas le cas ici. (1)

Bon : nous voilà au cœur du problème, tel qu’il a été largement développé par Max Weber (Ethique protestante et l’esprit du capitalisme – à lire ici) : la besogne est le but assigné par Dieu à la vie humaine (2). Le salaire est la trace matérielle de ce travail quand il a été reconnu et valorisé par autrui. Plus « je travaille mieux », plus je gagne d’argent.

Dans la vie, l’enrichissement n’est pas le but, la consommation encore moins (du moins pour les puritains anglo-américains que cite Weber) : c’est la reconnaissance du mérite par la valeur-salaire.

Il en résulte que les spéculateurs ont bien le droit de se déclarer fiers de leurs bonus, à condition qu’il soit l’effet de leur talent, ce qui n’est pas le cas des dirigeants avec leur parachute doré qui s’ouvre même quand ils on creusé un déficit abyssal dans la caisse.


(1) Pour une étude plus approfondie de la psychologie du joueur de Loto, se reporter au Post de demain.

(2) On peut se référer au verset de Saint Paul, évoqué ici.

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