Publier ce que l'auteur a supprimé est donc le même acte de viol que censurer ce qu'il a décidé de garder.
Milan Kundera – Les testaments trahis
Voilà une citation qui me ramène à un sujet dont je suis assez gratuitement préoccupé : le rôle de l’ordinateur dans l’histoire (future) de la littérature.
Je dis « gratuitement », parce que je ne suis ni un auteur, ni un historien de la littérature. Mais je vois bien que l’utilisation de l’ordinateur fait disparaître le manuscrit, avec toutes ses ratures, tous ses repentirs, tous ses collages.
Que saurions-nous de Flaubert si nous n’avions pas ses monstrueux manuscrits – 75 pages de manuscrit de l’Education sentimentale pour arriver aux deux pages de la promenade en forêt de Fontainebleau.
Que saurions-nous de Proust, si nous n’avions pas ses paperolles collées méticuleusement sur ses ratures et recouvertes de nouvelles ratures ?
On me dira peut-être qu’on a inventé des logiciels qui enregistrent automatiquement tous les états d’un écrit, mémorisant tous les passages supprimés ? Mais qui s’en sert ? Et de toute façon songeons à tous ces auteurs dont l’écriture peut encore servir à deviner l’état d’esprit au moment où ils écrivaient leurs œuvres (1)
Croyez-moi : depuis que le Mac a remplacé le Mont Blanc, on a perdu un peu plus que du luxe ostensible.
(1) Un exemple ? Le Mémorial de Blaise Pascal (voir le manuscrit ici).
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