Examine si ce que tu promets est juste et possible, car la
promesse est une dette.
Confucius
«Covenants, without the sword, are but words » (Pactes sans sabres, ne sont que palabres)
Hobbes
- Léviathan, II, XVII
La promesse est une dette : oui, si on admet qu’elle nous
engage pour l’avenir autant qu’une dette. Maintenant il faudrait quand même savoir
de quoi il s’agit : si j’emprunte quelque chose, il va de soi que je dois le
rendre sinon ce serait un vol ; mais la remarque de Confucius fonctionne
« à contrechamp » : je ne suis plus celui qui promet de rendre
ce qu’il a reçu, mais celui qui promet de faire un prêt : mon engagement
doit-il être aussi impératif ?
Ecoutez la cigale de la fable : « Je vous paierai,
…, / Avant l'Oût, foi d'animal, / Intérêt et principal. » La fourmi comme
on le sait n’est pas prêteuse : pour elle, une promesse consiste dans des
mots, un peu d’air agité par des lèvres, et la promesse de l’emprunteuse ne lui
inspire guère confiance. C’est pour cela qu’on a inventé les dépôts de
garantie : je te prête si tu es assez riche dès aujourd’hui pour me
rembourser demain. Mais alors, pourquoi emprunter ? C’est insoluble !
Heureusement les linguistes américains, Austin en tête (1),
sont venus nous expliquer que dans certaines circonstances, les mots sont des
faits aussi décisifs que des actes, et que dire « Je te promets » engage autant qu’une prestation d’échange ou de
service.
Bien sur certains vont jusqu’à multiplier les conditions qui
rendent la promesse effective : en particulier les serments sur la bible
ou sur la tête d’un être cher. Mais qu’importe : si tout cela à une
importance c’est bien parce qu’au bout du compte, les mots remplacent les
choses.
Et puis un jour arrive quelqu’un qui se moque de ces
conventions. Quelqu’un qui dit : « Vos traités (par exemple)
commerciaux ne valent rien pour moi. Un trait de plume les a ratifiés, un autre
les supprime. Et si vous contestez il faudra le faire les armes à la main. »
On pense bien sûr à l’attitude du nouveau Président des Etats-Unis, même s’il
n’a pas encore convoqué son armée, il a du moins promis d’utiliser la
force toutes les fois qu’il le jugera nécessaire.
La force prime le droit – et quand c’est l’inverse qui
se produit, c’est déjà une décision de droit, autrement dit ce fondement-là est
on ne peut plus fragile.
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(1) J.L. Austin, philosophe américain, auteur d’une théorie
du langage comportant la notion de performativité
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