Les amants inventent leur propre vocabulaire, mais il n'a de
signification que pour eux.
Barjavel
– L'enchanteur
Selon Barjavel, les amants ont une expérience si
particulière de la vie et de la réalité qu’ils partagent qu’ils ont besoin de
mots spécifiques pour la signifier, étant entendu que les
mots de la langue commune ne peuvent désigner que ce qui est commun à tous ses
usagers.
L’idée est donc qu’on ne pourrait, contrairement à ce que
certains linguistes croient, tout dire
dans cette langue commune, même en lui supposant des énoncés aussi long et
aussi détaillés qu’on voudra. Comme les poètes, les amoureux parlent une langue
qui est étrangère, même si elle paraît n’être que du français (ou de l’anglais
ou n’importe quelle autre).
Alors, la question est : n’en va-t-il pas de même avec
tous les usages et tous les usagers d’une langue quelconque ? Plus
exactement : quelles sont les règles qui président à la signification des
énoncés du langage courant ?
On aura peut-être reconnu les jeux de langage dont Wittgenstein a mis au jour les règles. Précisons-les :
- D’abord
les jeux de langage excluent les définitions de dictionnaire qui expliquent le
sens d’un mot à l’aide d’autres mots qu’il faut à leur tour définir, entrainant
une infructueuse régression à l’infini.
Exemple :
« Je t’aime mon
amour !
-
Attends un peu chérie que j’attrape mon Robert et que je voie ce que tu veux
dire. (1) »
- Ensuite
on élimine également les définitions ostensives
qui consistent à expliquer le mot par référence à un objet de la réalité.
Exemple :
« Est-ce que tu
m’aimes mon amour ?
-
Dis-moi, chérie, quand tu me demandes si je t’aime, à quoi penses-tu ? A
reflet qui danse au fond de ma prunelle quand je te regarde, ou bien à
l’étrange bosse qui déforme mon pantalon quand tu y portes la main ? »
2 - Pour Wittgenstein, le sens d’un mot dépend de son usage,
non pas tant par le va-et-vient entre l’énoncé et l’action (comme ce serait le
cas avec la définition ostensive) ; mais principalement par les règles auxquelles
fait référence l’énoncé. Ces règles sont aussi simples que celles qu’inventent
les enfants dans leurs jeux (Du genre : « On dirait que tu serais le gendarme et moi le voleur »).
Exemple :
« Chérie, on dirait
que quand je te dis que je t’aime ça
serait pour te dire que j’ai des battements de cœurs et des étincelles devant
les yeux. Tu veux bien ?
-
Oui mon amour : « amour » ça voudrait dire que c’est toi et toi seul qui me fait ça.
- Alors,
quand je rêve de toi et que je me réveille le matin dans des draps tout
mouillés, ça veut-il dire que c’est amour que j’aime ?
-
Euh… »
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(1) « Aimer - Verbe transitif. L'obj.
désigne une pers. ou un être assimilé à une pers.; l'accent est mis sur le lien
affectif]
a) [Le subst. correspondant est amour]
− [Avec une idée de lien moral et/ou spirituel]
-[L'obj. désigne des membres de la famille naturelle]… (CTRL)
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