Quand pour s'unir à vous Alcipe se présente - Pourquoi tant crier haro? - Dans le nombre de quarante - Ne faut-il pas un zéro?
Edme Boursault - Contre La Bruyère avant son élection à l'Académie en 1693.
Le mot d’esprit, comment ça marche ?
On a compris que le Boursault en question s’adressant à La Bruyère, ridiculise Alcipe. Il s’agit donc ici d’un scénario à trois : un qui fait un mot d’esprit ; un auditeur (qui rit) ; une victime (absente en l’occurrence).
Dans son ouvrage Le mot d’esprit et son rapport avec l’inconscient (1), Freud analyse - entre autre - la situation que nous trouvons ici.
Pas plus qu’on ne doit expliquer un mot d’esprit, on ne peut en jouir tout seul : il faut un auditeur.
Pourquoi faut-il absolument communiquer? Parce que nous ne pouvons rire nous-mêmes de notre propre mot d’esprit, notre plaisir passe par « la voie détournée de l'impression produite sur nous par la personne que nous avons réussi à faire rire. » (Freud)
[A noter : Cet auditeur doit être en communion psychique avec l’auteur : si par malencontre vous êtes coincé par un gros Bauf’ qui vous abreuve de bidasseries, vous êtes mal.]
Bien sûr cet auditeur doit être disponible pour rire de votre mot d’esprit, ce qui veut dire, disponible pour rire tout court. Il faut se reporter à l’ouvrage de Freud pour lire le détail de son analyse sur le rire.
Il est des mots d’esprits qui sont « inoffensif » entendez qui ne manifestent aucune agressivité (contrairement à l’exemple contenu dans notre citation) : Freud pense qu’il s’agit alors de montrer son esprit, pulsion analogue à l’exhibitionnisme dans le domaine sexuel (du genre « Tu l’as vu mon gros Q.I. »).
S’agissant du mot d’esprit agressif, le procédé est la ridiculisation. La victime sera absente - comme ici - mais elle pourra aussi être présente, si par exemple, le mot d’esprit doit nécessairement lui échapper, l’auditeur riant cette fois non seulement de la plaisanterie mais aussi de la déconfiture de la victime.
Le mot d’esprit c’est excitant, mais ce n’est pas très sympathique.
(1) Principalement p. 130 et suivante de l’édition électronique. A télécharger ici
3 comments:
J'avoue non sans rougir que je n'ai pas compris la citation, malgré le propos qui suivait cette dernière.
Je ne suis pas en philosophie, peut être que les termes "mot d'esprit" échappe à la définition commune que j'en ai.
Est ce possible d'expliquer plus ... simplement (j'ose dire) la citation :o
Ce qui vous a échappé, ce n’est pas le contexte philosophique, mais le contexte historique. La Bruyère se présente à L’Académie Française contre Alcipe. Dans cette Académie il y a - déjà du temps de La Bruyère - 40 membres. Pour écrire « 40 » il faut un « 4 », et puis un « 0 ».
Les académiciens ont donc besoin d’un « 0 ». Or justement, Alcipe est un gros nul, il est le « 0 » dont les Académiciens ils ont besoins.
Alors, vous voyez, quand c’est expliqué c’est beaucoup moins drôle.
Je trouve ca drôle maintenant :)
C'est, pourrait on dire, une belle répartie :D
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