Monday, May 14, 2007

Citation du 15 mai 2007

Qu'est-ce qu'un musicien qui n'est pas joué, un auteur dramatique sans théâtre ? La communication ajoute à la création une vie innombrable et imprévisible sans laquelle elle n'est qu'un objet inerte.

Michel Tournier - Le médianoche amoureux

Ami bloggeurs, quel besoin avons-nous de faire lire aux autres ce que nous écrivons ?

Avez-vous remarqué combien les gens qui écrivent sont insupportables : il faut qu’ils vous lisent à tout prix leur œuvre. Les Bloggeurs sont plus charitables : au lieu de casser les pieds à leurs amis, ils confient leur écrit au Net, comme un message mis dans une bouteille à la mer, avec l’espoir que quelqu’un le ramassera et leur fera savoir qu’il a été lu.

Car c’est ça qui compte : exister pour autrui. Mais attention : ce n’est pas seulement exister en tant qu’auteur qui compte ; c’est savoir que l’œuvre existe pour autrui, qu’elle a reçu ce supplément d’âme que constitue le fait d’avoir été lu, d’avoir été vivifiée par une nouvelle compréhension, par une nouvelle interprétation. C’est exactement ce que dit Michel Tournier : il s’agit d’une re-création. (1)

L’objection courante est que les plus grands auteurs ont laissé derrière eux des œuvres qu’ils n’ont pas publiées, qu’ils ont même refusé de publier de leur vivant : on cite bien sûr les Mémoires d’Outre-tombe (en partie à tort parce que Chateaubriand a dû vendre son manuscrit pour vivre, donc bien sûr avant sa mort) et surtout l’Ethique de Spinoza. Mais là encore, on oublie que Spinoza n’a pas tenu son ouvrage secret, qu’il en a fait des lectures à ses amis, bref que la non publication ne signifie pas la non communication.

En admettant que certains créateurs soient assez forts pour se passer de ce supplément d’être que leur apporterait la lecture, je ne crois pas qu’ils puissent se passer d’un lecteur potentiel, ou imaginaire. Même le journal intime cesse d’être un réceptacle pour devenir un interlocuteur (cf. Post du 2 avril 207). Tout écrit, et peut-être toute œuvre est nécessairement adressée.

Au fait, Ludwig Van, Elise, elle l’a lue ta Lettre ?

(1) C’est aussi ce qu’écrit J.P. Sartre dans son ouvrage consacré à la littérature (Qu’est-ce que la littérature ? Folio-Essais) : c’est le lecteur qui produit l’émotion vécue par le héros et induite par l’auteur. L’émotion est vécue par le lecteur comme étant celle du héros, mais bien sûr, aucune émotion autre que celle que vous produisez, ne peut exister.

5 comments:

Anonymous said...

"Au fait, Ludwig Van, Elise, elle l’a lue ta Lettre ?"

Je crois qu'elle a laissé un message vocal ... il l'a jamais su ... :°)

Anonymous said...

Alors il faut faire un petit graffiti, comme sur les lieux touristiques ?
"Anonyme" a lu la citation du 15 Mai 2007 8-)

Jean-Pierre Hamel said...

Pour ce qui est du message, vocal, Ludwig étant sourd comme un pot, c'est de toute façon raté...

Pour le graffiti anonyme, le Blogger que je suis se borne à l'imaginer. Mais si d'aventure il a quelque chose de plus à dire, alors il est le (très) bienvenu.

Anonymous said...

"Je crois qu'elle a laissé un message vocal ... il l'a jamais su ... :°)"

"Pour ce qui est du message, vocal, Ludwig étant sourd comme un pot, c'est de toute façon raté..."


Je suis si peu drôle que ma blagounette implicite passe si mal :'(

Anonymous said...

Et pour un blogger, la fréquentation de son blog suffit-elle à elle -même ou bien est-ce le commentaire qui lui donne une autre dimension ?