Si l’Etat est fort, il nous écrase. S’il est faible, nous périssons.
Paul Valéry – Regards sur le monde actuel
Cette citation, Dieu sait (?) combien de fois elle a servi de sujet de culture G. dans des concours de tous niveaux. Et Dieu sait ( ??) combien de banalités ont afflué sous la plume de ces pauvres candidats, qui profitaient de l’occasion pour prouver qu’ils pouvaient inventer l’eau tiède. Ne leur jetons pas la pierre, Valéry lui-même concluait : « C’est une question d’équilibre ». Notre challenge du jour : trouver quelque chose d’un peu plus intéressant à dire.
C’est pourtant simple : il suffit d’utiliser la distinction entre les « droits-liberté » et les « droits-créance », tels qu’ils sont décrits par Ferry et Renaut au tome 3 de leur Philosophie politique (postface).
Si l’Etat est fort, il nous écrase : ça vise les droits-liberté, ceux qui nous garantissent l’indépendance individuelle, liberté de conscience, d’opinion, de voyager etc…, bref tous les Droits de l’homme. Et bien sûr l’Etat nous le savons peut nous priver de tel ou tel de ces droits. D’où l’idée que nous devons nous protéger des abus de pourvoir d’Etat qui concentrerait tous les pouvoirs dans les mêmes mains.
S’il est faible, nous périssons : là il ne s’agit plus des droits-liberté, mais des droits-créance. Les droits-créance sont des droits dont la satisfaction est garantie par l’Etat dans la mesure où ils peuvent être légitimement revendiqués par le citoyen. L’éducation, l’accès aux soins, bref, les droits sociaux en général font partie de ces droits-créance (1). Ces droits font appel à un Etat puissant et interventionniste, que certains dénoncent pourtant comme Etat-Providence. Si l’Etat-Providence vient à dépérir, s’il n’a plus d’argent pour assurer l’Education, pour renflouer les caisses de la sécu, pour payer les fonctionnaires, alors non seulement nous sommes en péril, mais l’Etat l’est également par perte de légitimité. Imagine-t-on un monarque d’ancien régime faisant le bilan de son action en faveur du peuple pour affirmer sa légitimité face à un usurpateur ? Non, bien sûr sa généalogie est seule probante. Pourtant le chef d’un Etat démocratique doit quand à lui évoquer un bon bilan social s’il brigue la réélection.
Quelle limite imposer à l’Etat-Providence ? Ferry-Renaud proposent le droit au travail. Certes celui ci est reconnu par notre Constitution, mais pas en tant que droit opposable (cf. 1). Le droit au travail suppose que l’Etat embauche lui-même tous les hommes en age de travailler et qui ne trouveraient pas de travail. C’est un Etat qui contrôle donc l’activité économique du pays : c’est un Etat sur le modèle soviétique ; qui était un Etat fort, écrasant même.
(1) J’ajouterai le droit au logement, devenu depuis peu un droit « opposable », c’est à dire un droit tout court.
4 comments:
Et où place-t-on la sécurité dans tout ça ? Droit-créance ou droit liberté ?
La violence légitime (si c'est ce que tu entends par sécurité) est le fait et le monopole de l'Etat. Elle n'est autorisé/toléré par la loi que dans deux situations autre à ma connaissance :
- La légitime défense
- Le droit pour le peuple de se soulever contre ses dirigeants si il juge cea nécessaire (article jesaispluscombien de la constitution).
Aprés oui, je ne réponds pas à ta question, je te laisse juge de cela :p
Si j'en crois Montesquieu, la sécurité est la première des libertés. En ce sens elle ferait partie des droits-liberté. Mais le paradoxe est qu'elle suppose un pouvoir de contrôle - éventuellement liberticide - sur les citoyens.
(Voir le "patriot act" de G.W. Bush)
"La sécurité est la première des libertés"... Cela me rappelle un slogan politique de 2002. ;)
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