L’UDF ne disparaît pas, elle se dépasse [en devenant l’UDF-Mouvement Démocrate].
François Bayrou - Discours pour la création du Modem (Libération du 11 mai 2007)
Après le devoir d’oubli (1), le dépassement de soi-même : quand je vous disais que nos politiciens prennent des cours du soir de philosophie…
Comment peut-on se dépasser soi-même ? En grimpant sur ses propres épaules ? En courant plus vite que son ombre ?
Non bien sûr. François Bayrou veut faire du Modem un parti autre que l’UDF, qui ira plus loin que lui, mais toujours sur le même chemin (disons : ni droite ni gauche). Le nouveau parti dépassera l’ancien comme le cycliste dépasse celui qui le précède lors d’un sprint.
- Et alors, c’est tout ??? Si c’était le cas, avouez que le message politique serait plutôt mince.
- Voici donc, décrypté à votre intention, la substantifique moelle de la pensée bayrouïste (sic ?)
Il s’agit bien évidemment non pas du dépassement dans l’espace, mais du dépassement dans l’être : je veux dire le dépassement de soi-même. Et en effet, le dépassement de soi-même n’est autre que le concept clé de la dialectique hégélienne : l’Aufhebung, que les traducteurs de Hegel renoncent à traduire, tant ce terme est lié substantiellement à sa philosophie.(1)
Le dépassement c’est le moment dialectique où ce qui était, est anéanti par ce qui advient, et pourtant se conserve en même temps (2). Autant dire que ce qui est anéanti ne l’est pas complètement et sera réalisé par une autre forme d’organisation. L’image qu’on donne habituellement est celle du fruit qui « dépasse » la fleur, la quelle a « dépassé » le bourgeon : il faut que la fleur meure pour que le fruit soit (voir le célèbre passage de l’Evangile de Saint-Jean « Si le grain ne meurt… » 12, 24-25). Hegel impose l’idée que la dialectique n’est pas seulement une méthode d’analyse, c’est à dire une philosophie, mais qu’elle est aussi un ressort de la nature : tout ce qui vit se développe de façon dialectique.
Alors, voici que François Bayrou ressuscite la vision dialectique de l’histoire : le Modem doit être quelque chose comme le dépassement des contraires. Après le centre droit de gouvernement - giscardisme - (= la Thèse), et le centre droit d’opposition - UDF-bayrouiste - (= l’Antithèse), voici le centre-Modem (= la Synthèse) dans le quel vont ( ?) tomber et la droite et la gauche. Une sorte de trou dans le quel glisseront ceux qui, à gauche comme à droite, ne seront pas solidement ancrés sur leurs bases. Synthèse par sédimentation, puis fermentation (dans les océans primitifs, ça a fini par donner du pétrole : pas mal…) afin de produire une force politique nouvelle.
Voilà le travail… Seulement, François veut faire l’économie de la Révolution : est-ce bien raisonnable ?
Centristes de tout le pays, unissez-vous !
(1) A côté de Sarkozy le nietzschéen (voir Post du 14 mai), voici Bayrou l’hégélien : ces deux-là, ils ne sont pas près de s’entendre…
(2) Si vous aviez pris des notes pendant votre cours de philo au lieu de faire des petits dessins dans votre cahier, vous pourriez y retrouver que la dialectique ce n’est pas seulement 3 moments (thèse-antithèse-synthèse) mais aussi le mouvement qui fait passer d’un terme à l’autre. En guise de rattrapage, voir ceci
4 comments:
J'avais lu une chronique de Favilla (apparemment pigiste dans le quotidien "Les Echos") qui avait titré : L'extreme Centre.
Le journaliste démontrait qu'a défaut d'avoir un part politique stable (confirmé par le deuxième tour des éléctions présidentielles), l centre avait un potentiel réelle par sa capacité de grapiller a gauche et à droite tout en dénoncant d'un doigt accusateur les querelles gauche/droite.
Cela tenait d'un certain cynisme au regard du programme qui n'était qu'un habile mélange de ces deux tendances tendant vers le populisme voir la démagogie.
Francois Bayrou ... un calculateur apprenti dictateur ? :p
A vrai dire je suis plus à l'aise dans la pensée de Hegel que dans celle de François Bayrou ; mais peut-être est-ce parce qu'il invente quelque chose qui est en avance sur son temps, qu'avec ma myopie de citoyen qui regarde plutôt dans le rétroviseur je ne vois pas clairement. La parole est à ceux qui en devinent plus.
Sincérement, je pense que Bayrou fait trop de calcul et pas assez de politique. Au lieu de créer une rupture avec la tradiution, il ferait mieux d'avancer des choses pour l'avenir. Cela lui donnerait une plus grande ampleur.
Avis personnel il va de soit.
Et voilà, je savais qu'un jour on me dirait "si tu avais écouté pendant les cours de philo au lieu de dessiner", c'est fait.
Bon heureusement grâce à citation du jour je peux me rattraper ...
Mais pour ce qui est du rattrappage d'aujourd'hui (voir lien dans le texte)je pense que je suis gâté, de sérieuses révisions s'imposent, heureusement l'interro écrite n'est pas pour demain.
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